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La « Pôté de Suilly »

La géographie féodale recèle bien des mystères car nous sommes largement privés de sources écrites sur l’origine des fiefs, leur étendue, et les premières lignées seigneuriales. Le mouvement qui a multiplié les nouvelles inféodations au profit d’une chevalerie en développement et les partages familiaux ont brouillé la perception des périodes antérieures et voilé les structures plus anciennes. Des traces ont parfois subsisté, difficiles à interpréter.

Voyons un exemple au cœur du Donziais : la Pôté de Suilly.

André Bossuat (1892-1967), éminent historien nivernais très familier de la vallée du Nohain, a repéré dans des actes concernant la Forêt de Bellefaye cette institution originale qui a accompagné la vie des habitants de ce terroir jusqu’à la Révolution. Il a tenté de cerner cet objet féodal mal identifié à partir de l’étymologie du mot : « potestas ». Il en a montré la permanence au travers des droits d’usage de la forêt pour les habitants (in Bulletin de la société Philologique et Historique, Vol 1, 1963). Bellefaye, étymologiquement « une belle futaie de hêtres », est aujourd’hui la forêt communale de Suilly, sur la commune de Ste-Colombe.

Les sources auxquelles il a eu accès lui ont indiqué que le territoire de cette mystérieuse pôté avait la forme d’une large bande incurvée qui allait de Sainte-Colombe-des-Bois, avec Couthion, Ferrières et Villarnault, à St-Martin-sur-Nohain, avec Favray et Villiers ; en passant par Suilly-la-Tour, avec la Fillouse, la Buffière, le Magny, Chailloy, Fontaines, Vergers, Champcelée, Suilly, Presle, la Ranchonnière, Seigne, et Fontenoy. Il s’agissait donc de la vallée de l’Accotin dans son entier, et d’un tronçon de celle du Nohain.

Ces terres nous sont familières. A Sainte-Colombe nous avons vu le fief éponyme associé à Vergers, et étudié l’histoire de La Montoise, avec son vieux manoir, et récemment celle de Champdoux, fief et forge à la fois.

A Suilly-la-Tour nous avons rencontré de vieux châteaux : le Magny, siège de la seigneurie de Suilly ; les Granges de la Rachonnière, transformées en une magnifique résidence de plaisance ; Vergers, où la forteresse féodale a été remplacée au XIXème siècle par une ambitieuse construction néo-gothique ; Chailloy, fief et ancienne forge avec sa maison de maître Renaissance ; La Fillouse, Presle

A St-Martin-sur-Nohain – autrefois St-Martin-du-TronsecFavray, avec son petit manoir Renaissance, a retenu notre attention ; Villiers lui était associé.

Tous ces fiefs paraissent autonomes au XVème siècle ; chaque seigneur en fait hommage au comte de Nevers « à cause de Donzy ». Mais une structure plus ancienne avait dû unir ces terres, dont les habitants jouissaient en commun de l’usage de la forêt de Bellefaye…

Formulons modestement, à la suite de Bossuat, des hypothèses.

Le pouvoir auquel le terme de potestas fait référence ne pouvait être que seigneurial, laïc ou d’Eglise. Il avait été de fait fractionné au fil du temps, mais les usages forestiers subsistaient au profit d’une seule et même communauté humaine, comme si elle avait été un jour soumise au même pouvoir. « Quand des partages ont brisé cette unité, il survit des intérêts communs » selon l’expression du doyen Richard.

Cette forêt appartenait aux barons de Donzy au XIIIème siècle, comme le confirme un acte de 1219 cité par Marolles : « Lettres de Hervé, comte de Nevers, et de Mahaut sa femme, par lesquelles ils donnent à leurs hommes, habitants de Donzy, et aux religieux, prieur et couvent du Val-des-Choux (ndlr : l’Epeau) l’usage du bois de Bellefaye, qui est voisin des bois des religieux de Cuffy (ndlr : sans doute Cessy) qui sont d’un côté, et des bois de Chevrauly, qui sont de l’autre. » Cet acte vise les habitants de Donzy et nous parle bien de Bellefaye, mais pas de Suilly ni de sa pôté.

Le bois en question est situé entre ceux du prieuré de Cessy et ceux de « Chevrauly ». Ce nom n’évoquerait-t-il pas – avec les approximations orthographiques coutumières de l’Inventaire – les Chevreau (ou Chevraulx), une lignée chevaleresque qu’on voit tenir plusieurs fiefs au XIVème siècle : Favray, Vergers, Seigne, Champdoux…soit un espace ressemblant justement à celui de la pôté.

Au XVème siècle Bellefaye était associée à la seigneurie de Vergers et passa avec elle aux sires d’Armes puis aux Chabannes. L’ensemble fut acheté au début du XVIIIème siècle par les chartreux de Bellary, dont les lointains prédécesseurs avaient défriché une autre partie de la grande forêt donziaise.

                             

Dans les documents consultés par Bossuat figure un accord passé en 1406 entre les habitants de la pôté et Philippe Chevreau, alors sgr de Vergers, concernant ce droit d’usage : « …c’est assavoir de coper, prandre et amener lesd. boys en leurs hôtels pour toutes leurs nécessités, ou là où bon leur semble en lad. posté, et encore mectre et faire pasturer et manger leurs bestes, porceaulx, et truyes es paissons et pastures desd. boys toutes fois que bon leur semble… ». Il était donc l’autorité avec laquelle les ayant-droits traitaient.

Cet usage leur fut contesté ensuite par les sires d’Armes. L’ensemble ancien avait été fractionné – peut-être redistribué par le suzerain, comte de Nevers – d’autres parties étaient détenues par différentes familles. Les nouveaux maîtres de Vergers n’entendaient sans doute pas assumer des engagements anciens qui bénéficiaient aux habitants d’un périmètre plus vaste que leur fief. Des conflits violents en résultèrent, en particulier sous Louis d’Armes (+ 1540), de sinistre mémoire. Il s’opposa aussi au seigneur de Favray, Guy de Courvol, qui défendait les droits ancestraux de ses manants et… les siens. Le château de Vergers, en contrebas de Suilly, restait cependant le cœur de la pôté : les « manants en communauté » pouvaient mener dans ses prisons les « austres gens et bestes que celles de la posté de Suilly… » qu’ils auraient trouvés dans la forêt (1510). La justice baronniale et royale garantissait ce droit ancestral.

                       

Ces constats suggèrent qu’un fief unique – Suilly ? – s’étendant sur l’ensemble du territoire décrit ci-dessus avec pour centre Vergers, avait existé, et que les Chevreau, une famille peu connue et vite éteinte, en avaient été les titulaires, par inféodation des barons de Donzy ou par héritage. Il faudrait pouvoir approfondir, mais les sources manquent…

Heureusement, en grattant le sol pour en extraire le délicieux fruit du chêne, les porcs des villageois de la pôté de Suilly se souciaient peu de cette histoire…

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Champdoux, fief et forge à Sainte-Colombe-des-Bois

Nous avons déjà évoqué Sainte-Colombe, paroisse et fief avant la Révolution (auj. com. de Ste-Colombe-des-Bois), qui fut associé à Vergers dès le XVème siècle. Dans cette même paroisse nous avons vu La Montoise et son vieux manoir.

Au coeur des collines boisées qui surplombent le Val de Bargis, l’Accotin prend sa source au hameau de Couthion, serpente au milieu d’une verte vallée et rejoint le Nohain en contrebas de Suilly-la-Tour. Malgré son modeste débit il a été équipé de moulins à forge (ou à grains) alimentés par des retenues : chaque kilowatt était précieux pour traiter le minerai de fer, le fondre et le forger. Nous connaissons déjà l’un des sites : Chailloy – parfois appelé Chaillenoy dans des actes anciens – avec sa belle maison de maître Renaissance. La famille du théologien protestant Théodore de Bèze y avait exercé ses talents industrieux au XVIème siècle, avant de se voir confisquer ses biens et de quitter la France pour Genève. Avant eux des seigneurs de Chailloy – les Guesdat, de Nevers – paraissent avoir détenu aussi un fief dit de l’Accotion – dont le nom suggère une éponymie entre le village-source et la rivière – et qui consistait peut-être en droits sur la rivière.

Découvrons aujourd’hui un autre site de la paroisse de Sainte-Colombe, juste en amont de Chailloy, dont les traces féodales sont ténues mais qui eut une grande importance dans le réseau métallurgique donziais : Champdoux.

C’est aujourd’hui un hameau bucolique bordant un vaste étang, avec un charmant gué de l’Accotin, que le marcheur peut aussi traverser à sec par un vieux pont de pierre jouxtant un lavoir. Le site hydraulique et bâti de la forge y est visible, mais les traces de l’activité industrielle qui perdura jusqu’au XIXème siècle sont largement effacées.

                                           

« L’Inventaire des forges et fourneaux de la Nièvre XVIIème-XXème siècles » (in Etudes et documents des Musées de la Nièvre, n°8, 2006) décrit ainsi le site de Champdoux

« Le fourneau appartenait au duc de Nevers. Il est affermé par Le Vau lors de la création de la manufacture de Beaumont-la-Ferrière en 1685. Il produisait 500 tonnes de fonte par an, à partir de minerai de Villate, de la Ronce, de Bulcy et de Mézières. Il possédait aussi une petite forge en complément. Son vaste étang faisait tourner l’usine de 7 à 10 mois par an. Le premier octobre 1682, Jean Lombard, 1er fondeur des canons du roi en la province de Nivernois l’afferme pour y couler des tuyaux de fonte pour la conduite des eaux des fontaines de Versailles, marché qu’il ne peut finalement honorer mais qui sera poursuivi jusqu’en 1683. L’usine appartient en l’an IX à la duchesse de Cossé-Brissac fille du dernier duc de Nivernais (ndlr : Diane-Hortense Mancini (1742-1808), puis sous l’Empire à Caroillon-Destillères (ndlr : Claude-Xavier Carvillon des Tillères (1748-1814). Les productions sont très importantes : entre 750 tonnes de fonte en 1794 et 450 tonnes en 1809. En 1812, Destillères, qui continue son activité, ne produit finalement plus que 250 tonnes de fonte car il se consacre en partie à la vente de bois vers Paris. Le fourneau est reconstruit à neuf en 1830. En 1839, le comte d’Osmond (ndlr : Rainulphe d’Osmond (1788-1862) gendre de Caroillon et frère de la fameuse comtesse de Boigne) l’équipe d’une soufflerie à cylindre. L’entreprise se compose du haut fourneau, d’un lavoir à bras, d’une soufflerie et d’un bocard à laitier. Elle est alors l’une des plus grosses usines de la Nièvre….Le site a été transformé en habitation et ferme…».

Champdoux, lié à l’Eminence et à Bailly en aval de Donzy sur le Nohain, faisait donc partie d’un complexe industriel, au coeur du filon de minerai et de vastes forêts, dont le jeune Colbert n’avait pas manqué de signaler le potentiel à son maître Mazarin, acheteur du Duché en 1681.

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Mais avant d’être un moulin Champdoux était un fief ancien, associé à Favray dans des circonstances qui n’ont pas laissé de traces. L’Inventaire de Marolles (p. 441) signale un hommage en 1335 de « Perrin de Chanoy (ndlr : Chasnay) eyr, tuteur de Robert et de Jean, enfants de Philippon Cheureaux, sgr de Faveroy (ndlr : Favray), pour ses maisons de Champdo, Villiers (ndlr : à St-Martin-sur-Nohain) et Faveroy, à cause de Donzy ». Ce Perrin de Chasnay était avec sa femme Perrone un bienfaiteur de la chartreuse de Bellary, à laquelle il avait donné des bois en 1324, comme le mentionne l’abbé Charrault, historien de l’abbaye.

Autre hommage en 1369 (p. 287) de « Etienne du Pré, eyr, sgr en partie de Faveroy, en son nom et au nom de Philippe sa femme, fille de feu Robert Cheureau, pour les villes de Villers et Faveron, et pour sa terre de Champdau ».

Ces Cheureaux – ou Chevraux – n’ont pas laissé d’autres traces, mais ils semblent avoir détenu des terres importantes autour de Suilly-la-Tour. Champdoux n’apparaît plus ensuite chez les seigneurs de Favray des familles de Courvol puis de Reugny, et son destin féodal postérieur est peu documenté.

On le retrouve associé à Sainte-Colombe et uni à Vergers par la famille d’Armes au XVème siècle – Jean II d’Armes est cité comme « sgr de Champdoux » – sans qu’on puisse déterminer les modalités de cette dévolution. L’ensemble passa par alliance aux Chabannes. Voici donc la branche de Vergers de cette vieille lignée chevaleresque du Limousin (la Maison de Chabannes), portant « de gueules au lion d’hermines, armé, lampassé et couronné d’or », établie dans la vallée de l’Accotin. François de Chabannes, cité à son tour comme « sgr de Champdoux », épousa en 1645 à Suilly-la-Tour, Antoinette Monnot, fille d’un Commissaire des Guerres, nouveau seigneur de Chailloy et maître de forge.

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Blasons d’Armes et de Chabannes

Pourtant la forge, activité généralement associée à un fief, est répertoriée comme appartenant au duc de Nevers au XVIIème siècle. Peut-être ce dernier, maître de la Forêt de Bellefaye voisine qui alimentait ses forges de Donzy, reprit-il ce fief ou celui dit « de l’Accotion » pour y faire aménager le moulin ? Quoiqu’il en soit ce grand massif forestier fut acquis par l’Etat vers 1930 auprès des descendants du marquis d’Osmond (cf. supra) qui l’avaient conservé après la Révolution avec les forges de Donzy, et peut-être Champdoux ?. Augmenté d’autres possessions, dont celles de l’ancienne Chartreuse de Bellary dont les ruines affrontent douloureusement le temps, il constitue aujourd’hui la magnifique Forêt domaniale de Bellary.

Nous aimerions compléter avec votre aide l’histoire de Champdoux, où une promenade s’impose…

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Trucy, Vergers et Faulin

(Illustration : les armes parlantes des sires d’Armes)

Nous avions négligé de présenter spécifiquement Trucy-l’Orgueilleux, un fief et un château importants et anciens, car son destin féodal nous paraissait étroitement lié à celui de Vergers, et que cette paroisse relevait de la châtellenie de Clamecy, hors Donziais.

Nous avons eu tort.  Un examen plus approfondi montre que des hommages pour Trucy – parfois appelé le « château des Crénaux » –  ont été rendus « à cause de Donzy », et que ce site avait une origine patrimoniale différente de Vergers, dont une succession le sépara d’ailleurs plus tard. Il rejoignit alors le patrimoine des Grivel de Grossouvre (dont Pesselières à Sougères et Faulin à Lichères-sur-Yonne) et resta lié à ce dernier site après la vente de ces terres au début du XVIIIème siècle. Mais les seigneurs successifs de Trucy n’y résidèrent plus et le château fut laissé à l’abandon, simple siège d’une exploitation agricole.

L’ensemble architectural hétéroclite et passablement dégradé qu’on peut voir aujourd’hui porte la marque de cet abandon. De la construction d’origine ne reste qu’une grosse tour modifiée au XVe siècle par Jean d’Armes. Le corps de logis résulte des travaux entrepris et jamais achevés par François de Chabannes et son épouse Valentine d’Armes entre 1589 et 1610. Les différents bâtiments, dont une aile à vocation agricole ajoutée au XIXe siècle et les anciens murs de courtine sont disposés autour d’une cour carrée. L’ensemble est flanqué de tours circulaires.

Par son histoire et celle de ses détenteurs successifs : les familles du Bois, d’Armes, de Chabannes, de Grivel et Perrinet, Trucy est en fait intimement lié au Donziais. L’importance du château donne à penser que Trucy n’était pas à l’origine ce fief secondaire qu’il devint au fil du temps.

Voyez la succession des seigneurs de Trucy-l’orgueilleux dans la notice ci-dessous et ne manquez pas de nous proposer adjonctions, précisions ou corrections…

Trucy-l’Orgueilleux (V1 du 6 juin 2021)

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Les deux « Jean d’Armes »

Les sires d’Armes, connus depuis Denis, sgr d’Armes et de La Borde au XIVème siècle, ne sont pas d’origine donziaise puisque la localité dont ils prirent le nom appartenait à la châtellenie de Clamecy. Elle est au bord de l’Yonne en aval, et avait un port dédié au flottage du bois. On n’y voit pas de trace castrale ancienne.

Nous avons toutefois rencontré des membres de cette famille en plusieurs sites qu’ils détenaient par alliance ou par acquisition : La Forêt-sous-Bouhy, Villargeau et Brétignelles, et surtout Vergers, à Suilly-la-Tour.

Arrêtons-nous sur deux Jean successifs, qui ont accompli de brillantes carrières de juristes, à la cour de Nevers pour le premier, et au Parlement de Paris pour le second.

Jean II d’Armes, sgr d’Armes, Trucy-l’Orgueilleux en partie, Vergers et Moussy, était licencié-es-lois, Maître des comptes (1441-69), puis Président de la Chambre des Comptes de Nevers (1468), et Garde du scel de la prévôté (1452-57). Il avait fait hommage au comte pour Trucy (1452) et pour Armes (1469). Il fit édifier une chapelle familiale, dans le style gothique flamboyant, près du portail nord de la cathédrale de Nevers, ce qui confirme son statut élevé.

Sa famille maternelle n’était sans doute pas étrangère à cet établissement brillant : sa mère, Milenon Leclerc, était la fille d’un Secrétaire du roi Charles V, sgr de Saint-Sauveur en Puisaye, et surtout la sœur d’un Chancelier de France (1420) : Jean Leclerc, Maître des requêtes, Conseiller au Grand conseil, sgr de Luzarches et autres lieux, mort à Nevers en 1438.

La Chambre des Comptes de Nevers était une institution importante, créée par Philippe de Bourgogne, comte de Nevers, vers 1405, à l’image de celle qu’avait créé son père le duc Philippe à Dijon en 1385, pour assurer une bonne régulation de leurs recettes et dépenses. L’immeuble gothique qui l’abritait, typique des bâtiments publics de cette époque, a été conservé, ainsi qu’une partie des archives.

                                           

Jean II avait quant à lui épousé une héritière nivernaise dont la famille était implantée dans la région de Corvol-l’Orgueilleux : Jeannette du Bois, qui lui apporta des terres importantes, dont le château de Trucy, et peut-être Vergers qui lui serait venu de sa mère Mahaut de Varigny.

Son fils Jean III d’Armes, écuyer, docteur-ès-lois, sgr d’Armes, la Jarrie, Trucy-l’Orgueilleux, Vergers, Varennes-les-Narcy en pie (La Charité), la Motte-des-Bois (Donzy) fut après lui Président de la Chambre des comptes de Nevers (1470-71) ; conseiller puis quatrième Président à mortier au Parlement de Paris (1482-1488) ; exécuteur testamentaire de Jean de Bourgogne, Comte de Nevers (1479). Exempté du ban à Nevers en 1478 ; il fit hommage pour Vergers en 1466 et 1481, Varennes-les-Narcy en 1485, Villargeau et Brétignelles en 1508. Il aurait relevé l’ancien château de Vergers en cette fin du XVème siècle.

« Dès sa plus tendre jeunesse, écrit F. Blanchard, il appliqua si soigneusement son esprit à l’étude des bonnes lettres et particulièrement à la jurisprudence, qu’il se rendit enfin capable de l’enseigner et parut de telle sorte entre les avocats suivants alors le Barreau du Parlement, qu’il fut tenu pour un des plus grands jurisconsultes de son temps, même mérita cet honorable titre de docteur ès-lois. Le 9 juillet 1461, il épousa Jeanne Lamoignon, fille de Guy, seigneur de Vielmanay, et d’Alixand de Maison-Comte. Vingt et un ans après, il fut élu à la charge de quatrième Président au Parlement, vacante par la promotion de Jean de la Vacquerie à celle de premier. Il exerça cette charge jusqu’en 1490, année pendant laquelle il la résigna à Jean de Ganay. Il mourut à Paris, en 1495, et fut inhumé en l’église Saint-André-des- Arts. »

                                                                  

 Cette église Saint-André-des-Arts, avait été construite au début du XIIIème siècle à l’intérieur de l’enceinte de Philippe Auguste, sur l’actuelle place de ce nom au Quartier Latin. Elle dépendait de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Elle fut entièrement reconstruite en 1660 ; Temple de la Raison et Club révolutionnaire en 1790, elle fut détruite en 1807. De nombreuses personnalités du monde parlementaire et médical y avaient été inhumées au fil des siècles, dont plusieurs membres de la famille du Chancelier Leclerc. Voltaire y avait été baptisé en 1694.

Les sires d’Armes portaient : « de gueules, à deux épées d’argent appointées en pile vers la pointe de l’écu, les gardes d’or et une rose de même entre les gardes ». Ce sont là des armes « parlantes », qui suggèrent une adoption tardive et une origine bourgeoise, confirmée par la formation juridique des deux Jean (cf. supra). Reproduites dans les « Armoiries des conseillers et présidents du parlement de Paris depuis le XIVème siècle (1721) » (Bibl. Mazarine) celles de Jean III sont complétées par une « bordure engrêlée aussi d’or », qui est une « brisure » de cadet.

Deux brillants serviteurs du comté et du royaume !

Nous proposons par ailleurs une généalogie complète de cette famille fameuse en Nivernais : Famille d’Armes

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La « tour » de Suilly

Un internaute moins familier de ce village que l’auteur de ce site s’interroge : où est cette tour qui a donné son nom à Suilly-la-Tour ?

Ce n’est pas comme à l’accoutumée le donjon d’un vieux château, mais le clocher de l’église Saint-Symphorien, qui impose sa forme massive dans le paysage que découvre le voyageur arrivant de Donzy.

Bien que d’apparence médiévale, avec ses murs fortifiés et ses capacités défensives, cette tour est d’époque Renaissance. Elle a été juxtaposée à l’église de style gothique flamboyant, quelques dizaines d’années plus tard.

                                                             

Sans doute le curé et les seigneurs protecteurs de la paroisse, les sires d’Armes à Vergers, et les Pernay du Magny, dont les armes figurent aux clefs de voute, avaient-ils des raisons de craindre pour la sécurité de l’édifice en cette période troublée du XVIème siècle. Les huguenots avaient des bases importantes dans les environs – comme Vieux-Moulin à Vielmanay, et la forge de Chailloy toute proche, fondée par la famille de Théodore de Bèze – , d’où ils lançaient des expéditions vengeresses.

                                                                                                              

L’édifice est décrit par Soultrait dans son « Répertoire archéologique du département de la Nièvre » (Imprimerie nationale, Paris, 1875) : « Eglise paroissiale Saint-Symphorien, en partie ruinée, de trois époques distinctes : trois travées de la nef, en ruines, du XIIème siècle, une travée de la nef avec bas-côtés, transept et chevet à pans des premières années du XVIème siècle, et grosse et belle tour occidentale, commencée en 1545, offrant tous les caractères de la Renaissance…. ». « Le haut de la tour n’a jamais été achevé ; une corniche porte le toit d’ardoises, au centre de laquelle s’élève une petite flèche. Contre-forts très saillants à retraites, et gargouilles de forme élégantes aux constructions du XVIème siècle.. »

La paroisse de Suilly est ancienne, comme le rappelle Chantal Arnaud dans son inventaire très documenté « Les églises de l’ancien diocèse d’Auxerre, du milieu de XIème siècle au début du XIIIème siècle » (SSHNY, Auxerre, 2009).

Elle est en effet mentionnée sous le nom de Soliacus par les Règlements liturgiques des évêques Aunaire (561-604) et Trétice (692-707), repris par les « Gestes des évêques d’Auxerre » (publié par Michel Sot, Les Belles Lettres, Paris, 2002-2006). Elle s’inscrit dans la première armature de 37 paroisses du pagus auxerrois, christianisé depuis le tout début du IVème siècle. Des traces de voies et de bâtiments gallo-romains ont d’ailleurs été repérées dans les environs et des sarcophages mis au jour.

Au XIIème siècle, l’église fut donnée – avec beaucoup d’autres dans les diocèses d’Auxerre, Nevers, Bourges et Autun – au grand Prieuré clunisien de La Charité-sur-Loire ; donation confirmée par la bulle du Pape Luce II du 14 avril 1144, qui figure dans le Cartulaire édité par René de Lespinasse. Sans doute l’église romane dont quelques traces subsistent fut-elle édifiée à cette époque en lieu et place de l’édifice primitif.

Comme bien d’autres en France, cette église avait été dès l’origine dédiée à Saint Symphorien, le martyr d’Autun, considéré à l’époque mérovingienne comme un « saint national » à l’égal de Saint Denis. Il est fêté le 21 aout.

Une dédicace très bourguignonne. Le chanoine Grivot, historien contemporain de la ville (« Autun », chez Lescuyer à Lyon, 1967), après avoir rappelé que les vitae des saints sont « des œuvres littéraires écrites dans un but d’édification, sans aucun souci d’exactitude historique » et que la datation de ce martyr reste incertaine, donne pour couramment admises les indications suivantes : « Le jeune Symphorien appartenait donc à une famille estimée de la cité ; il était chrétien, ainsi que ses parents Fauste et Augusta, qui reçurent lors de leur passage Bénigne, de Dijon,  Andoche, de Saulieu, et Thyrse, le diacre, apôtres de la Bourgogne ; Bénigne baptisa Symphorien et Andoche fut le parrain. A Autun on vénérait particulièrement Cybèle, Apollon et Diane ; on faisait même des processions en leur honneur ; c’est ainsi qu’un jour Symphorien croisa la procession en faveur de Cybèle dont on transportait la statue ; il se permit de ricaner et de manifester hautement ses sentiments ; on l’arrêta sur le champ et on le conduisit au préfet Héraclius ; après un premier interrogatoire, Symphorien fut mis en prison ; quelques jours plus tard le jeune chrétien fut de nouveau interrogé ; et comme il restait ferme dans sa foi et qu’il continuait d’insulter les dieux païens, on le conduisit au supplice. C’est alors que sa mère l’encouragea à supporter la mort : du haut du rempart de la ville elle lui prodigua ses encouragements : « A cette heure la vie n’est pas perdue, mais elle est changée ». Et Symphorien eut la tête tranchée à quelque distance de la Porte ».

                               

Ce martyr a été représenté par Ingres (1834) sur une grande toile qui orne la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, où son conservées les reliques.

Suilly et sa tour sont dont reliés à cette page dramatique des tout débuts de la christianisation en Bourgogne.

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