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L’affaire du Bailliage

L’affaire dite « du Bailliage », qui a occupé les historiens du Donziais, est illustrative de la dualité du statut de notre petit pays jusqu’à la Révolution. Unie au comté de Nevers depuis le mariage d’Hervé avec Mahaut de Courtenay, la baronnie de Donzy continuait cependant à relever féodalement des évêques d’Auxerre, et la Coutume d’Auxerrois s’y appliquait.

Les comtes, barons de Donzy, avaient créé un Bailliage à Donzy à la fin du XIIIème siècle –  comme à Nevers – pour que la justice baronniale y soit rendue. Cette instance subsista jusqu’à la Révolution. Le premier Bailli de Donzy connu, vers 1295, fut Jean de Varennes, un chevalier de Châteauneuf-sur-Allier. Hugues Le Muet, sgr de Nanvignes et du Moulin de Maupertuis à Donzy, fut « Grand-Bailli de Donziois » de 1390 à 1413. Nous avons évoqué cette famille importante qui tint également Corbelin. La charge de bailli revint inévitablement aux sires de La Rivière : Jean, sgr de Champlemy, vers 1460, et son fils François, vers 1500. Mais, son prestige déclinant, elle fut ensuite confiée à de simples hommes de loi comme François Frappier (1620-1688).

Mais dans le mouvement puissant d’affirmation du pouvoir royal ces structures locales furent progressivement supplantées par des bailliages royaux.

Philippe Auguste, souverain réformateur, avait eu à cœur de structurer son royaume pour l’unifier et limiter les pouvoirs des grands féodaux. Il avait donc créé les bailliages royaux à la fin du XIIème siècle. Le bailli, officier nommé par le roi, un chevalier parfois de haute noblesse, exerçait un commandement solennel en son nom. Il rendait la justice, percevait les impôts et recevait les plaintes contre les seigneurs locaux. Au fil du temps et de l’avènement d’autres représentants du roi (receveurs, intendants et gouverneurs), la fonction des baillis se recentra sur la Justice et leur compétence s’élargit, reléguant les bailliages locaux au traitement de causes subalternes.

Le bailliage royal de Sens fut le premier créé en 1184. Ce choix s’imposait : l’ancienne cité des Senons, dont le comté avait été rattaché tôt à la Couronne, n’était-elle pas la métropole religieuse de Paris ? Le bailli représentait le roi dans une vaste zone, d’ailleurs mal définie, entre bassin parisien et Bourgogne, incluant le diocèse d’Auxerre. Des subdivisions furent progressivement créées, dont la prévôté de Villeneuve-le-Roi vers 1250. Notre ancien diocèse en relevait. Le Nivernais quant à lui relevait de Bourges, mais en 1361, un autre bailliage royal était créé à Saint-Pierre-le-Moutier.

                                                 

Sceau du Prévôt de Villeneuve-le-Roi

Après le rachat du comté d’Auxerre en 1370, le roi établit un siège de justice dans la ville, associé à celui de Sens. La charge de « Bailli de Sens et d’Auxerre » fut confiée à de hauts personnages comme Jean de La Rivière (1374), Premier Chambellan. Au début du XVème siècle le duc de Bourgogne, dominant la région comme un souverain, avait nommé des baillis à sa solde, tel Guy d’Egreville, baron de Saint-Verain, puis son fils Jean, qui avaient livré cette place aux anglo-bourguignons. La paix revenue et le pouvoir du roi rétabli : Guillaume Jouvenel des Ursins, grand serviteur du roi, que nous avons rencontré comme seigneur de la Motte-Josserand, fut à son tour bailli avant d’être Chancelier de France.

A la création du siège d’Auxerre, les seigneurs donziais avaient protesté de leur attachement à Villeneuve-le-Roi, car cette prévôté présentait à leurs yeux l’avantage d’être éloignée et donc potentiellement moins intrusive. Ils redoutaient également une confusion avec le comté d’Auxerre et ses conséquences fiscales.

Le bailliage d’Auxerre fut finalement détaché de celui de Sens en 1477 après l’annexion de la Bourgogne. Sa compétence s’étendait sur tout le diocèse, soit 430 justices seigneuriales, dont Donzy, Saint-Verain et leurs arrière-fiefs. Il fut érigé en Siège Présidial en 1557, avec des compétences élargies et une structure renforcée : un lieutenant général exerçait la réalité de la fonction aux côtés du bailli – un titre devenu honorifique – assisté d’un lieutenant criminel et d’un lieutenant particulier. Avocats et procureurs du roi animaient une activité judiciaire intense, sous le contrôle du Parlement de Paris.

Des seigneurs du Donziais s’y employèrent : Jean de Thiard, sgr des Granges à Suilly-la-Tour par exemple, fut Lieutenant général (1494-1504) ; Edme du Broc, qui avait acquis cette même terre ainsi que le Nozet à Pouilly, et son fils Guillaume, furent successivement Lieutenant criminel (1550-1580).

Mais ce rattachement ne faisait pas l’unanimité, d’où « l’affaire du Bailliage ».

Les seigneurs donziais étaient hostiles à cette assimilation auxerroise, dont ils craignaient les effets fiscaux ou autres ; leurs intérêts et leurs liens familiaux les portaient de plus en plus vers le Nivernais. Les ducs quant à eux, excédés de devoir toujours rendre hommage à l’évêque d’Auxerre pour Donzy et Saint-Verain, aspiraient à un fonctionnement unifié de leur grand fief sous la Coutume de Nivernais. Mais les magistrats auxerrois, nombreux et influents, défendaient bec et ongles leur compétence sur l’ensemble du diocèse – et les avantages qui en résultaient pour une armée de robins – ainsi que l’application de leur coutume, s’appuyant sur l’architecture féodale traditionnelle, avec l’appui des évêques successifs.

Au début du XVIème siècle cette question faisait toujours l’objet d’une vive controverse. L’affaire fut portée devant le Parlement qui donna raison aux auxerrois en 1523, faisant ainsi prévaloir la tradition féodale. Des séances de concertation avec la noblesse locale furent organisées en vue de l’acceptation de cette décision, à Varzy, Cosne, St-Fargeau, Donzy, Druyes et Clamecy, dont l’abbé Lebeuf a fait le récit. Tout le monde se rangea finalement à la solution auxerroise, à condition toutefois qu’elle n’emporte pas dépendance du Gouvernement d’Auxerre ou de celui de Bourgogne, ce qui fut acté.

Cette Affaire du Bailliage connut encore des avatars, comme la réformation de la Coutume d’Auxerre, publiée à Paris en 1563. Le contentieux sur le ressort du bailliage ne fut définitivement clôturé au Parlement qu’au XVIIIème siècle.

L’Ancien Régime s’épuisait dans ces querelles de préséance…

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Saint-Andelain, au coeur du vignoble

Sur le haut d’une colline dont les flancs en pente douce sont couverts de vignes, Saint-Andelain domine le vignoble de Pouilly et la vallée de la Loire.

Nous avons déjà cité ce fief dans les mains des seigneurs du Nozet à partir de 1600 environ, mais il a une histoire plus ancienne.

Il appartenait à la châtellenie de Donzy et jouxtait les terres du prieuré de La Charité à Pouilly, et celles du chapitre de Saint-Hilaire de Poitiers – Longrets –.

Il est cité dès le XIVème siècle, mais la succession des premiers seigneurs reste fragmentaire. Elle se fixe semble-t-il à partir de Jehan Baudu, un bourgeois de Cosne qui fut châtelain de Donzy, Cosne et Chateauneuf-Val-de-Bargis pour le comte de Nevers dans la deuxième moitié du XVème siècle. Saint-Andelain resta détenu par ses descendants jusqu’à son rachat par les sires du Broc, du Nozet.

Il n’y a pas de château visible à Saint-Andelain, bien que certains titres évoquent des hommages pour la « maison de Saint-Andelain » ; à l’exception d’un pigeonnier dans le bourg, qui en est peut-être l’ultime trace.

Cette paroisse, rattachée autrefois à l’abbaye de Saint-Laurent, est la seule à porter ce nom. Elle le tenait d’un prêtre du VIIème siècle. L’évêque d’Auxerre saint Vigile, réputé noble et guerrier, lui aurait donné cette terre familiale près de Pouilly, où Andelain se serait retiré en ermite.

Voyez ci-dessous une première notice traitant de la succession des seigneurs de Saint-Andelain. Merci de votre concours pour la compléter ou la corriger…

Saint-Andelain(V2 du 19 oct 2021)

 

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Des bourgeois dynamiques : les Maignan

(Illustration : la forêt de Donzy)

La famille Maignan, complètement donziaise tout au long de son parcours, illustre parfaitement l’enracinement, l’ascension sociale et l’aspiration nobiliaire de la bourgeoisie rurale, enrichie par les revenus de charges publiques, et parfois ses limites.

Connus depuis le XVIème siècle, les Maignan ont investi les environs immédiats de Donzy. On les retrouve dans bien des lieux et des familles connus des visiteurs de ce site.

Nous en proposons ici une généalogie exhaustive : Famille Maignan

Jean Maignan était licencié-es-Lois, ce qui atteste d’études juridiques poussées, sans doute à Bourges ; notaire, procureur fiscal, et lieutenant particulier au Baillage. Il acquit en 1596 le fief de Savigny, sur une hauteur dominant la Talvanne, avec un moulin en contrebas. Le vendeur était Hubert de La Rivière, vicomte de Tonnerre et de Quincy, seigneur notamment de Colméry, dont Savigny dépendait. Ses descendants conserveront cette petite terre pendant près de deux siècles. Jean jouissait d’autres rentes : notamment la moitié de la dîme de N.-D. du Pré, tenue du duc de Nevers.

Cette acquisition ne lui porta pas chance puisqu’il aurait été assassiné à la fin de la même année par un certain Barachin, concierge des prisons. Son fils aîné, un autre Jean, aurait connu le même sort à Bourges en 1588. On ne connaît pas les tenants et aboutissants de ces règlements de compte – sans doute religieux en cette période où l’on s’entretuait beaucoup sur ce motif -.

Quoiqu’il en soit, son fils cadet François Maignan « de Grignon » (1592-1675), établi comme avocat à Auxerre, est le personnage central de la lignée.

Il avait hérité en 1620 d’un fief urbain de la ville appelé Grignon du nom d’une foire du quartier de Montartre ; fief qui consistait en la jouissance du droit de minage (mesurage des grains à la mine), rémunéré en nature, durant ces foires. Il en avait fait aveu au Roi à cause du comté d’Auxerre, et en avait pris sans trop de scrupule le nom, qu’une branche de la famille conserva jusqu’à la vente du fief en 1701. On voit ici combien le système féodal s’était dilué et bureaucratisé, à la grande satisfaction des heureux bénéficiaires de ces improbables seigneuries.

Il inaugurait dans cette famille l’usage de noms composés, faits à la fois pour s’ennoblir sur des bases terriennes et pour se distinguer d’une autre branche. Comme on peut le voir dans nombre de nos articles, cette pratique fut courante pendant les deux derniers siècles de l’Ancien Régime et reprit plus tard.

François avait contracté une alliance brillante en épousant Catherine du Broc (famille du Broc ), fille du seigneur du Nozet à Pouilly, aujourd’hui une grande propriété viticole, fleuron du Pouilly-Fumé. Il en eut au moins dix enfants, dont six ou sept fils.

L’aîné, Blaise Maignan de Savigny, avocat à son tour, reprit ce bien noble qui avait inauguré l’enracinement foncier des Maignan. Sa fille le fit passer par mariage dans une autre famille.

Le second, Louis, fut la souche des Maignan de Champromain, nom donné à cette branche par le mariage de son fils Jean en 1683 avec l’héritière de ce beau fief ancien aux portes de Donzy, sur une hauteur boisée bordant la Talvanne, qui conserve de belles traces de son passé. Ce fut la plus noble acquisition des Maignan, qui la conservèrent jusqu’à la Révolution. Champromain, dont le nom sonne antique, aurait été détenu par les sires de La Rivière à l’origine, et était passé aux Lamoignon dès la fin du XVème siècle, puis aux Maumigny, avant d’être vendu.

Le troisième, Charles Maignan de Grignon, établi à Auxerre, n’eut pas de postérité.

Le quatrième, Jean Maignan de Pontcharraut, fonda une branche de ce nom après son mariage avec Jeanne Lasné, issue d’une autre vieille famille de la région (famille Lasné ). Elle était l’héritière de cette ferme-manoir sur le plateau entre Nohain et Talvanne, dans l’ancienne paroisse de Bagnaux.

Le cinquième, Michel Maignan de Grignon, également avocat, établi à Druyes-les-Belles-Fontaines et Entrains, n’eut pas de postérité masculine.

Le sixième, Jean Maignan du Colombier, prit le nom d’un domaine situé en aval de Donzy, qui conserve de belles traces de son ancienneté : portail, pigeonnier…etc, dans l’ancienne paroisse de St-Martin-du-Pré. Cette terre lui fut sans doute apportée par son alliance avec Marguerite Frappier, d’un importante famille de Donzy, semblable à bien des égards ( famille Frappier). Mais il n’eut guère de postérité.

Le Colombier fut repris par François Maignan du Coudray, qu’on suppose être le septième fils de François et Catherine du Broc, et qui prit le nom d’une terre située à Couloutre. Ses descendants, sous ces deux noms, exercèrent de modestes charges judiciaires à Donzy.

Savigny et Champromain, terres nobles ; Pontcharraut, le Colombier et le Coudray, simples domaines auto-promus comme seigneuries, étaient à moins d’une heure de marche les uns des autres : on restait à l’ombre des tours de Donzy, avec cependant une échappée auxerroise conforme aux traditions.

Autant vaut dire que les eaux du Nohain et de la Talvanne, leurs barrages, leurs moulins et leurs poissons, n’avaient pas de secrets pour les jeunes Maignan qui allaient par les chemins, en famille à tous les carrefours…

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Boisrond

La petite seigneurie de Bois-Rond à Garchy – derrière les bois de l’ancien Centre de Géophysique – est mentionnée pour la première fois en 1462 par le don qu’en fit Jean de Bourgogne, comte de Nevers, à Jacob du Broc, archer de sa compagnie, fils de Joseph, maître d’Hôtel de Philippe de Bourgogne, venu du Brabant. Elle relevait de Chateauneuf.

Elle passa par des alliances dans d’autres familles à partir du début du XVIIème siècle. Dans le même temps la branche aînée avait acquis le Nozet (Pouilly) et les Granges (Suilly).

Boisrond est aujourd’hui un domaine agricole, dont les bâtiments forment une cour carrée défensive, et conservent quelques traces castrales.

Voyez ci-dessous l’état actuel de nos connaissances sur la succession des seigneurs de Bois-Rond. Certains points restent à préciser, merci de votre concours !

Boisrond (V9 du 24 juil 2021)

D enluminé

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Le Nozet

(Illustration : château du Nozet)

La terre et la maison seigneuriale du Nozet à Pouilly, auraient été données en 1234 aux bénédictins de la Charité par Arnault, seigneur du lieu. L’abbaye conservera ce fief, ainsi que ceux de Pouilly et St-Andelain voisins et associés, et le bénéfice des excellents vins qu’ils produisaient, jusqu’au début du XVIème siècle.

Sous le priorat de Dom Jean de La Magdelaine de Ragny, l’abbaye inféoda le Nozet à Edme du Broc (Dubrocq) vers 1520. Il était issu d’une famille du Brabant : son aïeul Joseph était venu en Nivernais aux côtés du duc de Bourgogne, comte de Nevers, comme archer (1404). Il acquit simultanément la seigneurie des Granges à Suilly-la-Tour.

Les du Broc se succédèrent au Nozet jusqu’au début du XVIIIème siècle. La propriété fut alors plusieurs fois revendue, jusqu’à son achat par un important négociant en vins, dont les descendants ont reconstruit le château actuel dans le goût néo-gothique, et ont porté ce vignoble à une véritable notoriété mondiale (voir le site du Pouilly-Fumé « Deladoucette »).

Voyez la notice ci-jointe, qui présente la succession des seigneurs du Nozet :

Le Nozet  (V4 complétée le 14/9/21)

D enluminé

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