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Etais, châtellenie fantôme

(Illustration : les armes des Mullot de Villenaut)

Alerté par un internaute vigilant, il me faut réparer une négligence en évoquant le cas d’Etais-la-Sauvin, une châtellenie quelque peu oubliée de la baronnie de Donzy.

Le fait est que son passé est bien caché. On peut traverser ce tranquille village des confins de la Forterre et du département de l’Yonne, sans en voir d’autre trace que son église. Des restes existent de l’ancien château, mais ils ne sont guère visibles.

Cette châtelleniel’une des six premières de la baronnie – n’englobait que la paroisse d’Etais elle-même et les fiefs qu’on y trouvait : Le Colombier, aux Mullot de Villenaut ; Chevigny, donné à l’abbaye cistercienne de Bourras – deux sites dont nous avons traité – ou encore la Motte-Panardin, un fief cité mais effacé aujourd’hui. On peut dès lors s’interroger sur les raisons d’un tel statut, quand d’autres châteaux comtaux très proches assuraient la sécurité du pays : Entrains, Corvol, et surtout Druyes. La géographie féodale recèle des mystères : la Révolution a divisé la France en départements de dimensions égales, mais les pouvoirs seigneuriaux sortaient quant à eux du fond des âges gallo-romains et francs, dont les logiques territoriales restent indéchiffrables faute de documentation. Etais n’est évoqué qu’en quelques lignes dans l’Inventaire des Titres de Nevers et quasi ignoré des archives ; cette question restera donc sans réponse.

Que sait-on de son histoire, alors que l’étymologie même du nom « Etais » est discutée ?

On en perçoit en tout cas l’ancienneté en notant la présence, sur une hauteur à quelque distance du bourg, d’un cimetière et d’une chapelle romane, considérée comme le vestige d’un village primitif d’origine gallo-romaine – Montivieux : le « petit mont vieux » -. Construite au XIIème siècle, cette église était dédiée à Saint-Pierre, sous le nom de « Saint-Pierre-de-Moustier-le-Vieil » qui suggère un établissement monastique ancien. La désignation de son prieur-curé était « à la collation » l’abbé de Saint-Pierre-en-Vallée, à Auxerre, dont il relevait. Elle fut en grande partie détruite au XIXème siècle, mais on devine toujours l’arc en plein cintre du portail dans sa façade. Quel fut le rôle de cette implantation dans le destin féodal d’Etais ?

Plus tard le bourg s’installa là où on peut le voir aujourd’hui.  Une l’église dédiée à Saint-Pierre-aux-Liens y fut construite au XIVème siècle, remplacée par l’édifice actuel au XVIème, de style gothique flamboyant tardif.

Etais fut entouré de murailles à l’intérieur desquelles la population pouvait se réfugier, notamment pendant les guerres de religion. Un château pouvait accueillir le comte de Nevers, baron de Donzy, lors de ses séjours, et sans doute une petite garnison. Quelques traces en subsistent dans des maisons ou jardins non loin de l’église : ici une petite tour de l’ancienne muraille ; là les bases d’une ancienne tour ronde, au sous-sol d’une maison ; ou encore un portail d’entrée et des mares rappelant les anciens fossés. Ces traces, à l’image de ce qu’on trouve à Corvol-l’Orgueilleux par exemple, suggèrent un édifice beaucoup plus modeste que la forteresse de Druyes toute proche qui dominait la contrée, où les comtes séjournaient régulièrement.

Les châtellenies étaient à l’origine des lieux d’exercice du pouvoir comtal de commandement, ou de ban, délégué à un capitaine, dans des sites que leur position ou leur histoire désignaient comme des relais, s’imposant à un territoire plus ou moins vaste. Les raisons pour lesquelles Etais bénéficia de ce statut resteront à éclaircir. Quoiqu’il en soit, dès lors que la paix intérieure fut assurée par un pouvoir royal fort et structuré, interdisant les guerres civiles, les fonctions locales s’étiolèrent. A l’instar d’autres structures féodales les châtellenies subsistaient sur le papier mais voyaient leur rôle s’estomper, certaines n’ayant finalement plus d’officiers particuliers.

« François de Mullot, sgr du Colombier et de Villenaut en partie », fit en 1575 le « dénombrement du fief du Colombier près Etais », au duc de Nevers. L’équipe de l’abbé de Marolles a relevé cet acte dans une liasse « cotée Estaiz », celle des titres correspondant à cette châtellenie, qui ne regroupait que quelques documents. Son père Alain et son frère Charles furent Capitaine de Druyes ; son fils Louis fut inhumé dans l’église d’Etais en 1649.

Au XVIIème et surtout au XVIIIème siècle, dépouillé de tout rôle, la châtellenie d’Etais était devenue une simple « propriété » du comte, comprenant des terres nobles et des droits, cessible comme n’importe quelle autre.

C’est ce qui lui arriva, avec son vieux château sans doute bien décrépi. Le duc Mancini, petit-neveu du Cardinal Mazarin, les céda en 1738, comme la châtellenie de Druyes, à Louis François Damas, marquis d’Anlezy, héritier du titre vicomtal de Druyes, où il avait fait construire une superbe résidence d’agrément aujourd’hui disparue, aux pieds du vieux château. Les éléments de cet ensemble foncier, passé par héritage aux frères Louis et Joachim de Conzie, tous deux évêques et dont la mère était une Damas d’Anlezy, furent vendus comme Bien de la Nation à la Révolution. Il est probable que ce qui restait du château d’Etais fut alors mis à bas et réutilisé dans différentes constructions du village.

Au total c’est peu et bien des mystères subsistent, notamment celui de l’origine de ce statut. Vous pourrez peut-être contribuer à les éclaircir.

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La Maison de Damas en Donziais

Nous avons rencontré plusieurs membres de l’illustre maison de Damas en Donziais, où ils arrivèrent assez tardivement par des alliances.

C’était l’une des plus anciennes de France.

Certains auteurs, comme Hubert Lamant dans sa somme généalogique « La Maison de Damas » (1977) la voyaient issue des anciens sires de Beaujeu en Lyonnais, les Guichard et les Humbert. Mais un certain consensus s’est fait plus récemment pour les considérer, à la suite du doyen Jean Richard, comme issus des barons de Semur (en Brionnais), c’est-à-dire de la même souche que les premiers barons de Donzy.

Le premier connu sous ce nom : Hugues Damas, était le second fils de Geoffroy II de Semur, frère du grand Saint Hugues, abbé de Cluny, et neveu de Geoffroy de Donzy.

Le surnom original de Damas (ou Dalmas), qui devint ensuite le nom de la famille, leur venait certainement d’une aïeule issue des Dalmatii, vicomtes de Brioude, une lignée qui incarnait la tradition aristocratique gallo-romaine subsistant en Auvergne méridionale. Ces vicomtes étaient également abbés laïcs de Saint Julien de Brioude, haut-lieu des premiers temps chrétiens en Gaule, puis fameux chapitre de chanoines. Cette aïeule était aussi la petite-fille de Guillaume le Pieux, duc d’Aquitaine, fondateur de Cluny en 910. C’était là de prestigieuses racines pour les Damas, à l’égal des plus grandes lignées pré-chevaleresques du royaume.

Dans un premier temps cette branche cadette de Semur s’implanta en Forez où elle fonda au XIème siècle la grande forteresse de Couzan – sur une terre venue d’une alliance antérieure – dont les ruines majestueuses rappellent la puissance féodale. Cette première baronnie du Forez passa par alliance aux sires de Lévis-Florensac, venus du Languedoc, au XVème siècle.

Une autre branche cadette, à partir de Robert Damas, fils de Guy, sgr de Couzan, et de Dauphine de Lavieu, s’implanta au début du XIVème siècle à Marcilly en Bourgogne (Marcilly-les-Buxy, 71), une terre à laquelle était associée la vicomté de Chalon. Le vieux château féodal a presqu’entièrement disparu à Marcilly.

Plus tard, l’une des héritières de la terre de Crux, en Morvan, l’apporta à Hugues Damas, sgr de Marcilly et vicomte de Chalon, signant l’arrivée des Damas en Nivernais dès 1362. L’union de son fils Erard, chambellan du duc de Bourgogne, avec Isabeau d’Avennières, dame d’Anlezy, vers 1420 est à l’origine de la branche des Damas d’Anlezy qui nous amène en Donziais.

Une sous-branche issue d’Huguette de Clamecy – héritière nivernaise issue peut-être des Varigny – femme de Jean Damas, sgr de Marcilly, avait détenu dès 1350 de petites terres dans notre baronnie : Pougny et Fontaine dans la région de Cosne, Etaules, près de Chateauneuf, revendues au comte en 1413, ainsi que Pressures près de Clamecy. C’était la première incursion des Damas sur les terres des successeurs de leurs lointains parents de Semur-Donzy.

Mais nous les avons retrouvés surtout à Druyes vers 1560, lorsque Jean Damas, baron d’Anlezy et de Crux, sgr de Montigny et de St-Parize, Gentilhomme de la Chambre du Roi Henri IV et Lieutenant au Gouvernement de Nivernais, épousa Edmée, fille unique de Jean de Crux, vcte de Druyes, et de Marguerite de La Rivière. Cette vicomté acquise un siècle plus tôt par les sires de Crux devait rester dans les mains des descendants directs de Jean Damas jusqu’à la Révolution. Ils devinrent même les maîtres complets du site en lieu et place des ducs de Nevers en acquérant d’eux la châtellenie de Druyes au tout début du XVIIIème siècle. Ils y firent construire un beau château de plaisance – aujourd’hui disparu – aux pieds de la vielle forteresse de Guillaume de Nevers.

Deux siècles plus tard, nous avons rencontré la branche de Damas-Crux, quand Louis Alexandre Damas, comte de Crux, devint marquis de Menou, par son alliance avec l’héritière de cette terre en 1734. Ses descendants directs conservèrent ce vieux fief appelé auparavant Nanvignes, avec son grand château Louis XIII, et ceux voisins de Ménestreau et de Villiers, au-delà même de la Révolution. Cette branche a donné le duc de Damas-Crux, lieutenant général et Pair de France sous la Restauration.

                                                   

La bannière « d’or à la croix ancrée de gueules » qui avait flotté sur tant de donjons en Forez, en Auvergne et en Bourgogne, était donc devenue familière également dans nos vallées.

Voyez ci-dessous une notice précisant les filiations de ces différentes branches de la Maison de Damas

Maison de Damas

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Retour à Druyes : la Cour Grenouille

Druyes n’est pas seulement un charmant village qui se mire dans les eaux vives et transparentes de ses « belles-fontaines », c’est aussi un haut lieu historique du Nivernais-Donziais.

L’impressionnant château comtal des comtes de Nevers, qui dresse toujours ses murailles sur l’éperon rocheux, et la belle église romane, retiennent également l’attention de nombreux visiteurs.

Les environs sont riches de sites castraux plus modestes, comme le Boulay et Maupertuis. Le prieuré Saint Robert d’Andryes est l’héritier de la fondation monastique de Saint Romain de Subiaco, compagnon de Saint Benoit venu s’isoler dans une grotte voisine des fontaines.

Mais le pays était parsemé d’autres fiefs et l’un d’eux nous intriguait : la Cour Grenouille, à Druyes même.

Nous proposons donc ici une première esquisse de la succession des seigneurs de la Cour Grenouille, du XVIème siècle à la Révolution, des modestes sires de Laduz, en Puisaye, aux prestigieux Damas d’Anlezy, vicomtes de Druyes.

La Cour-Grenouille 

D’autres fiefs du voisinage y étaient associés : La Pommeraie et Blin, réputés relever de Brétignelles, un autre fief oublié sur le plateau à l’est.

Le seigneur de la Cour Grenouille avait son habitation au cœur du village. Elle existe toujours : c’est la mairie-école de Druyes.

Nous aimerions approfondir l’origine de ce nom et l’histoire plus ancienne du site ; merci de votre aide !

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Les fiefs de Coulanges-sur-Yonne

Coulanges-sur-Yonne remonte à l’époque gallo-romaine. Plusieurs métairies habitées par des hommes qualifiés de « colons », jouissant d’une semi-liberté, avaient été fondées là. De « Coloniae », le nom s’est modifié à plusieurs reprises pour arriver à Collanges, et enfin Coulanges.
Coulanges fut un fief des évêques d’Auxerre aux premiers temps de ce diocèse, puis passa aux comtes au XIIème siècle, qui construisirent un pont sur la rivière et un château.
Mahaut de Courtenay, comtesse de Nevers et Auxerre, avait concédé des faveurs aux Coulangeois – en particulier l’usage des Bois de Frétoy – et en était aimée. Elle mourut au château le 29 juillet 1257, et fut inhumée à l’Abbaye du Réconfort qu’elle avait fondée.
Le château de Coulanges et la cité eurent une histoire féodale complexe que nous résumons ici, car bien que relevant du comté d’Auxerre à l’origine, ils furent rattachés à la Châtellenie de Chatel-Censoir.
Dès le début du XVème siècle, avant même que le comté d’Auxerre soit rattaché à la couronne, la châtellenie – dont le contenu féodal réel devait être fort limité – fut inféodée par les comtes à des seigneurs particuliers, d’abord simples usufruitiers puis seigneurs héréditaires de plein exercice – à l’instar des vicomtes de Druyes, aux côtés du château comtal de Pierre de Courtenay – . On les appelait les « seigneurs de Coulanges ».
Le château n’existe pratiquement plus, démoli pendant la Guerre de Cent ans et laissé ensuite à l’abandon. Seuls subsistent une tour et des restes de murailles, au bord de l’Yonne.
Voyez dans la notice ci-dessous la succession des seigneurs particuliers de Coulanges :

Coulanges  (V2 du 11/1/22)

Il y eut sans doute des démembrements en plusieurs fiefs connexes à la châtellenie à Coulanges.
Un fief urbain ancien, connu dès le XIVème siècle sous le nom insolite de « Fief Henry Jolly » résultant sans doute d’une inféodation particulière par le comte, portait en fait le nom de son premier titulaire. Il comprenait des terrains et bâtiments en ville, ainsi que des moulins sur l’Yonne, décrits par un dénombrement de 1315. Il paraît avoir fourni à ses détenteurs des revenus non négligeables. Il est resté dans l’histoire de la ville sous le nom de « Tour-Joly ».
Voyez ci-dessous la présentation de ses seigneurs successifs :

Fief Henry Jolly (V1 du 28/10/18)

Festigny, au nord de Coulanges, était un fief très ancien dont l’origine se perd dans l’obscurité du premier moyen-âge. Il fut associé ensuite à la vicomté de Druyes, dont les titulaires furent donc seigneurs de Festigny, confirmant les liens de cette haute vallée de l’Yonne avec le Nivernais.
Un petit château du XVIIIème siècle y a remplacé une ancienne maison-forte.
Des droits féodaux urbains à Coulanges, sous le nom de « Four banal », la « Rue Folle », et la « Tour Laurent » étaient associés à Festigny, bien décrits par un dénombrement de 1601. Il semble qu’ils aient eu une origine commune avec le fief Henry Jolly.
Voyez ci-dessous la succession des seigneurs de Festigny :

Festigny (V1 du 28/10/18)

Sur ces différents fiefs et leurs détenteurs, nous sommes intéressés par vos remarques et suggestions…

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Maupertuis, près Druyes

(Illustration : château de Druyes)

Cette seigneurie paraît constituée vers 1500 au profit de Regnault de Mullot (voir article sur Le Colombier à Etais) capitaine de Druyes, par des dons de la comtesse de Nevers, dont il était l’un des serviteurs. Elle passa dans plusieurs familles par des alliances successives, et vint accroître le vaste domaine des Damas d’Anlezy, vicomtes de Druyes (voir cette notice)  au début du XVIIIème siècle.

Une maison de maître subsiste à Maupertuis, siège d’une exploitation agricole isolée, sur une hauteur  boisée à l’ouest de Druyes. 

Ci-dessous la notice généalogique correspondante :

Maupertuis (version 5 du 29-9-21)

D enluminé

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