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Ferdinand Gambon, un enfant de Suilly sur les barricades…

Nous avons évoqué incidemment la mémoire de Ferdinand Gambon (1820 – 1887), un acteur majeur des épisodes révolutionnaires de 1848 et 1871 qui avait passé son enfance au manoir de Chailloy, près de Suilly-la-Tour, un ancien fief et une forge sur l’Accotin, fondée par la famille de Théodore de Bèze.

Sa vie fut imprégnée d’une double fidélité : à ses racines nivernaises et à ses idéaux républicains puis socialistes.

Orphelin à 6 ans, Ferdinand avait dû quitter Bourges avec ses frères. Ils furent accueillis à Chailloy et élevés par leur grand-mère maternelle, remariée au propriétaire des lieux. Après de brillantes études il fut reçu avocat au barreau de Paris en 1839, puis nommé juge suppléant à Cosne. Il y mena une ardente campagne républicaine – incompatible avec ses fonctions dont il fut suspendu – et fut élu Représentant du Peuple pour la Nièvre à l’Assemblée Constituante de 1848, puis à l’Assemblée Législative en 1849.

Siégeant avec la « Montagne« , opposant farouche au Prince Président, il fut condamné à la « déportation en forteresse » par la justice expéditive du nouveau régime et passa dix années de sa jeunesse dans des lieux sinistres, notamment à Belle-Île.

Après sa libération et un temps d’exil en Belgique auprès de son frère médecin, il s’installa comme agriculteur à Sury-près-Léré en Sancerrois, où il avait acquis une petite propriété. Il devint à cette époque très populaire après l’épisode cocasse de « la vache à Gambon ». Alors qu’il refusait de payer des impôts au régime impérial, le fisc avait saisi une de ses vaches et entendait la faire vendre. Gambon bénéficia alors d’un large soutien local et le polémiste Henri Rochefort, adversaire du régime, mit son aventure en exergue. Un chansonnier, Paul Avenel troussa une chansonnette qui eut un vif succès :

Jadis, sous un roi despotique, pour désigner un hérétique,

On s’écriait : c’est un Judas ! Il est de la vache à Colas, (bis)

Aujourd’hui, mes amis, pour dire, qu’un français n’aime pas l’empire,

Nous avons un nouveau dicton : Il est de la vache à Gambon. (bis)…etc.

Jamais éloigné du débat politique et de la capitale, battu dans la Nièvre, il fut élu député de la Seine en 1871, et devint l’un des dirigeants de la Commune. Condamné à mort par contumace, car il avait été exfiltré en Suisse après la déroute, il revint à Cosne avec l’amnistie et fut à nouveau élu député de la Nièvre en 1882. Battu en 1885, il mourut deux ans plus tard dans une petite maison amie sur la route d’Alligny, devenue la « rue des Frères Gambon ».

Bien que la vie de ce personnage hors normes soit postérieure à notre champ d’étude, nous vous proposons de faire plus ample connaissance avec lui, car ses origines familiales nous ramènent à des lieux familiers et aux siècles précédents : à Chailloy bien sûr, mais aussi à Vergers, Guichy, Pernay, Cramain et Mignard.

Vous trouverez une biographie complète de Gambon sur le site du « Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français » de Jean Maitron :

Ferdinand Gambon (Maitron)

Si vous souhaitez approfondir votre connaissance de cette personnalité attachante, nous vous suggérons les ouvrages suivants :

  • Jean-Yves Mollier : « Dans les bagnes de Napoléon III. Mémoires de Charles-Ferdinand Gambon» (Paris, PUF, 1983), seule édition de ses mémoires ;
  • Gaétan Gorce (ancien député de la Nièvre) : « Élus du peuple» (AàZ Patrimoine, 2001) ; une histoire de la circonscription législative de Cosne qui fait une large part à Gambon ;
  • Arsène Mellot :« La Vie politique du berruyer Ferdinand Gambon, l’homme à la vache (1820-1887) » (Coopérative ouvrière d’imprimerie, Sancerre, 1951), plus orientée sur les phases locales de sa vie

Gambon était, comme d’autres dirigeants révolutionnaires, issu d’une famille bourgeoise. Cette hérédité a donné lieu à des analyses parfois sommaires ou confuses : il est décrit comme issu de la « noblesse berrichonne », ou de « l’aristocratie nivernaise », avec lesquelles il avait « naturellement rompu ». La réalité est plus subtile et nous vous la présentons dans la notice généalogique ci-jointe :

Ferdinand Gambon (généalogie)

Cette ascendance complexe, suisse, urbaine et républicaine d’une part, terrienne et catholique de l’autre, troubla son adolescence. Il fut très vite révolté à la fois par la misère des campagnes et par l’exploitation des ouvriers de l’industrie naissante. Il bénéficia un temps de l’aisance financière dont il avait hérité, mais l’engloutit rapidement dans un engagement gratuit, des déboires fiscaux et des exils coûteux. Il se contenta alors d’une vie simple, au milieu de ceux qu’il avait défendus.

Ce destin singulier, indépendamment de l’opinion qu’on peut avoir sur des choix politiques extrêmes qui relèvent du jugement de l’Histoire, force le respect.

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Le « fief de Lamoignon » à Donzy

(Illustration : les armes des Lamoignon)

Le nom de Lamoignon est connu : les membres de cette grande famille parlementaire se sont illustrés dans les plus hautes charges du royaume. Ainsi le célèbre « Basville » – Nicolas de Lamoignon – Intendant à Montpellier : il a laissé  un souvenir mitigé tant il fut implacable dans la répression des protestants après la révocation de l’Edit de Nantes. Ou encore le grand Malesherbes – Chrétien Guillaume de Lamoignon – homme sage et érudit, ministre et avocat de Louis XVI, qui périt avec toute sa famille sur l’échafaud en 1794. On ne compte plus les « Présidents à mortier » ou « Maître des requêtes » de cette lignée, qui a légué à Paris l’Hôtel de Lamoignon, reconstruit par Robert de Cotte, aujourd’hui Bibliothèque historique de la ville.

Mais quel rapport avec Donzy ?

Ces grands serviteurs de l’Etat  se prétendaient issus d’une famille d’ancienne extraction chevaleresque de ce nom, connue en Donziais depuis la fin du XIVème siècle, dont le fief aurait été situé dans les faubourgs de la cité. Il y a effectivement un « Pré de Lamoignon » au bord de la Talvanne, mentionné sur les anciens plans de la ville. Une « porte de Lamoignon » (ou « de la Poterne ») de l’ancienne enceinte du coté du Levant, dont ce fief était réputé proche, a également existé.

Pourtant, les sources probantes indiquent que ces parlementaires étaient issus de Charles Lamoignon, fils d’un juriste de Nevers au service du Duc (Clèves), venu à Paris en 1544 à son instigation, après de brillantes études à Bourges et en Italie.

Des éclaircissements s’imposent.

Le nom d’abord. Villenaut, dans son « Nobiliaire de Nivernois », rappelle avec bon sens que Lamoignon était à l’origine un surnom donné à différents personnages venus des Amognes à la ville : « l’Amognon » ou « l’Amoignon », suivant l’usage du temps. C’est sous ce patronyme, utilisé avec différentes orthographes, que ces petits seigneurs sont constamment nommés dans l’Inventaire de Marolles. Il n’est donc pas douteux que le lieu dénommé Lamoignon à Donzy n’a pas donné son nom à une famille mais qu’une famille le lui a donné. Sur ce sujet le débat paraît clos.

Les familles. Il y eut semble-t-il plusieurs lignées de ce nom. Bien que certains généalogistes l’aient fait, on ne peut rattacher les parlementaires parisiens aux Lamoignon du Donziais, malgré une certaine communauté de prénoms.

Ce sont ces derniers qu’on trouvera dans nos pages. Marolles les mentionne à plusieurs reprises pour les hommages qu’ils rendent au comte ou en raison de leur présence au ban des gentilshommes nivernais. On les retrouve dans bien des seigneuries du Donziais : ainsi à Chasnay et dans d’autres petits fiefs de la châtellenie de Chateauneuf, leur premier enracinement local ; en 1424 Pierre Lamoignon, sgr de Mannay, élit sépulture en l’abbaye de l’Epeau ; en 1520, Jeanne Lamoignon est « dame de Champromain ». Par des alliances ils s’implantent à La Brosse, à Brétignelles et Villargeau, ou à Rivière en Puisaye. Ils s’allient aux familles de Pernay (le Magny), de La Tournelle-Maisoncomte (La Motte-Josserand), de Champs (Pesselières), de Vieilbourg (Mocques), ou encore de Mullot (Le Colombier), rayonnant ainsi largement au sein de la noblesse locale, alors même que ceux de Nevers évoluaient dans la bourgeoisie de la ville.

Le lieu enfin. La branche parisienne, devenue riche et célèbre, revendiqua à la fin du XVIIème siècle une origine donziaise qui l’aurait enracinée dans un terroir et surtout dans la noblesse d’épée.

Il y avait effectivement un fief ancien de ce nom à Donzy ; sans doute un « fief urbain » ou une « maison de ville » des Lamoignon de la région. L’Inventaire des Titres de Nevers mentionne son existence, mais ne cite aucun acte le concernant. Cependant des références existent dans l’histoire de certaines familles qui permettent de reconstituer dans la notice ci-dessous la dévolution du Fief de Lamoignon, du XVème siècle à la Révolution.

Le Fief Lamoignon (nouvelle notice, nov. 2024)

Chrétien de Lamoignon, marquis de Basville, l’oncle de Malesherbes, acheta une terre à Donzy vers 1720, tout ou partie de l’ancien fief, pour renouer avec ses origines ou…accréditer ses prétentions. Des généalogistes patentés, se copiant les uns les autres – mais largement contestés depuis – firent alors des membres de la lignée ainsi réunifiée des « seigneurs de Lamoignon ».

Gardons-nous de conclure, car les spécialistes en débattent toujours. Lamoignon est un nom du Nivernais et du Donziais qu’on retrouve fréquemment sur ce site, et si des acteurs de la Grande Histoire qui le portaient revendiquent cette même origine, ne boudons pas notre satisfaction…

Nous proposons ci-dessous une généalogie des Lamoignon nivernais, dont certains points restent à confirmer et à compléter :

Famille Lamoignon (oct 2024)

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter les sites ou documents suivants, qui sont parfois discordants :

– Famille de Lamoignon (Wiki)

– Cahiers du Val de Bargis (page Donzy)

– Base Pierfit (généalogie Lamoignon)

– Etude de C. Lamboley sur les origines des Lamoignon

 Blanchard : « Les Présidents à Mortier » (art. Lamoignon)

– Moreri « Dictionnaire » (art. Lamoignon)

– La Chesnaye des Bois « Dictionnaire » (art. Lamoignon)

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« Sainte Eugénie de Rome » et Varzy

Le temps d’une halte à Varzy revient l’image de Sainte Eugénie, martyre du IIIème siècle, dont la vie fut une extraordinaire aventure.

Sur place, elle a donné son nom à une fontaine, à un lavoir, et à une rivière succédant au ruisseau de Cœurs, qui serpente de Varzy à Corvol-l’Orgueilleux où elle rejoint le Sauzay, affluent de l’Yonne. L’ancienne collégiale de Varzy, qui lui fut dédiée, se mirait dans le grand bassin alimenté par des sources sortant de ses entrailles calcaires. Les chanoines ont animé la vie de la cité pendant treize siècles, mais leur église, plusieurs fois reconstruite, fut détruite à la Révolution.

Ancienne cité épiscopale auxerroise au cœur du comté de Nevers (chât. de Montenoison), Varzy n’était pas en Donziais. Les évêques d’Auxerre y séjournaient dans leur vaste château où ils recevaient l’hommage des barons de Donzy et d’autres vassaux de la contrée qui, suivant l’expression consacrée, étaient « dans la mouvance de la Tour d’Isoard », la plus ancienne du château, c’est-à-dire sous la suzeraineté temporelle de l’évêque exercée à Varzy symboliquement dans cette tour. On a peine à imaginer que le modeste édifice carré qui forme l’extrémité sud du palais épiscopal, ultime trace de cette fameuse tour, ait pu accueillir les rencontres de ces puissants personnages.

« Sainte Eugénie de Rome » fut spécialement vénérée dans le diocèse à partir du Xème siècle. L’évêque Gaudry avait en effet rapporté des reliques offertes par le Pape en 923, et les avait réparties entre sa cathédrale, l’abbatiale Saint-Germain d’Auxerre et la collégiale de Varzy.

Des vitae anciennes et la tradition ont rapporté l’histoire d’Eugénie, avec les imprécisions et les dérives de l’hagiographie. Tôt convertie au christianisme, elle s’était travestie en homme car elle souhaitait absolument entrer dans un certain monastère. Elle en avait même été élue plus tard abbé. Accusé injustement de viol par une vieille femme dont « il » avait repoussé les avances après l’avoir guérie, « l’abbé Eugène » dévoila sa féminité devant ses juges pour prouver son innocence. Eugénie fut cependant condamnée à mort par l’empereur Valérien, résista à de nombreux supplices et fut finalement décapitée à Rome en 257.

C’est donc sous les traits d’une personne – moine ou jeune femme – qui se dénude que la sainte est généralement représentée.

Son souvenir est illustré dans la région par un chapiteau de la travée orientale de la nef de Vézelay, qui appartenait originellement au chevet roman (XIIème siècle). Il en donne une représentation très réaliste.

Mais c’est surtout l’exceptionnel triptyque dit du « Martyre de Saint Eugénie », replacé dans le chœur de l’église Saint-Pierre-ès-Liens après la destruction de la collégiale, qui retient l’attention à Varzy.

Nous en proposons ci-dessous une photo, suivie d’un texte tiré d’une intéressante plaquette proposée sur place.

Triptyque du martyre de Sainte Eugénie 

Un chef d’œuvre de la Renaissance française (Conservation des musées et du patrimoine du Département de la Nièvre) : 

« Longtemps donné à un hypothétique « pseudo Félix Chrétien » du nom d’un chanoine du chapitre épiscopal d’Auxerre, ce triptyque a été commandé en 1535 par François II de Dinteville, évêque d’Auxerre, pour la collégiale Sainte-Eugénie de Varzy, dans le but d’expier une ou plusieurs fautes encore non identifiées. Varzy était alors la résidence d’été des évêques d’Auxerre.

Ce « pseudo Félix Chrétien », depuis les travaux de l’historien d’art Jacques Thuillier au début des années 1960, complétés par quelques études récentes, commence à dévoiler son identité. Il s’est représenté dans le triptyque de Varzy entre les jambes du bourreau, et ce même visage apparaît aussi derrière les quatre frères Dinteville dans le remarquable panneau allégorique, daté de 1537, conservé au Metropolitan Museum de New-York : Moïse et Aaron devant Pharaon. Cette évidente proximité avec la puissante famille Dinteville, dont les membres et l’entourage apparaissent dans les deux œuvres, fait qu’on le surnomme aujourd’hui « le maître de Dinteville ».

Par ailleurs, les armes de la ville de Haarlem, ainsi que celles des peintres hollandais de la Guilde de Saint-Luc, apparaissent dans le décor du panneau central de Varzy : le « maître » en question est sans doute natif de cette ville. Et il a probablement fait un séjour à Rome, comme l’atteste la puissance avec laquelle il traite ses personnages. Au cœur géographique de ces deux pôles : la Bourgogne, point central des deux commandes évoquées ci-dessus. Un artiste pourrait répondre à ces critères : Bartholomeus Pons, dont la présence est attestée dans un atelier de peintre à Tournus en 1518.

Classé Monument historique le 31 mai 1897, le triptyque a, depuis sa création, connu une existence mouvementée. Lors du démantèlement de la collégiale Sainte-Eugénie, pendant la Révolution, il est chargé sur une charrette en partance pour Auxerre, au grand dam des Varzycois. Heureusement, une opportune rupture d’essieu dans un raidillon à la sortie de la ville leur ramène le tableau, qui prend place dans l’église Saint-Pierre. L’ensemble est ensuite démembré : les deux volets latéraux seront retrouvés en 1846 dans la sacristie, en piteux état. Plus tard, c’est Napoléon III qui se fait pressant pour l’acquérir, et l’offrir à son épouse Eugénie de Montijo, dont il honore la sainte protectrice. Redécouvert par Jacques Thuillier, qui le publie en 1961 dans l’ouvrage collectif « Art de France », le triptyque ne quittera Varzy qu’une seule fois, en 1964-1965, pour la grande exposition « Le Seizième Siècle », présenté à Paris, au Petit Palais. Il aura auparavant bénéficié d’une restauration complète dans les ateliers du Louvre, qui nous permet aujourd’hui d’admirer ce véritable chef-d’œuvre qui prouve à lui seul qu’une Renaissance a existé en France, en province, en marge de l’Ecole de Fontainebleau et des grandes commandes royales. »

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Il faut vraiment s’attarder à Varzy, qui illustre le passé auxerrois de la région, et recèle de superbes trésors…

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La « pôté d’Asnois »

(Illustration : les armes des Blanchefort, sgrs d’Asnois)

« Pourquoi ne traitez-vous pas de l’histoire d’Asnois, qui est pourtant cité dans l’Inventaire des Titres de Nevers comme appartenant à la baronnie de Donzy ? », nous demande un visiteur documenté.

On lit en effet dans cet irremplaçable ouvrage : « 1403, mardi 5 juin. – Noble seigneur Jean de Saint-Verain, ecr, sgr d’Asnois, en la baronnie de Donzy, vend à Jean du Coulombier la châtellenie d’Asnois….etc. » (p. 687)

Pourtant ce modeste village, dont le château reconstruit au XVIIème siècle domine la vallée de l’Yonne en amont de Clamecy, est situé assez loin des limites traditionnellement admises de notre baronnie. Voyez notre article à ce sujet : Les limites de l’ancien Donziais. D’autre part, plusieurs actes rappellent que le fief d’Asnois était « mouvant de Saint-Verain ». Il en avait été détaché au XIIème siècle avec plusieurs arrière-fiefs, comme apanage d’un cadet de cette antique maison. Voyez à ce sujet la page consacrée à La baronnie de Saint-Verain. Le notaire du comte de Nevers ou son maître des comptes auraient-ils fait une erreur dans cet acte en plaçant Asnois en Donziais, à moins que ce ne soit le transcripteur de l’abbé de Marolles ?

Il est vrai que l’étude système féodal n’a rien d’une science exacte : certains de ses mécanismes et les traces qu’ils ont laissées peuvent échapper à notre compréhension moderne et rationnelle. Saint-Verain, dont le territoire jouxtait Cosne et la Puisaye donziaise, et dont les arrière-fiefs s’entremêlaient avec ceux de Donzy aux portes même de la cité, relevait féodalement de l’évêque d’Auxerre, mais n’appartenait pas comme Donzy aux comtes de Nevers. Ils voulurent y remédier. Profitant d’une indivision complexe de la baronnie, aggravée par la Guerre de Cent ans, peut-être avaient-ils obtenu du roi son rattachement, avant d’en acquérir successivement les morceaux épars au XVème siècle.

Quoiqu’il en soit, pour donner suite à cette intéressante question, nous n’avons pas résisté au plaisir d’étudier la dévolution d’Asnois au fil des siècles. Elle nous fait retrouver des lignées familières : les Saint-Verain bien sûr, singularisés par le surnom guerrier de « Rongefer », mais aussi les vieux Damas, les bâtards de Clèves, les Salazar venus d’Espagne, les Blanchefort pendant deux siècles, et une branche des Le Muet enfin, à la veille de la Révolution.

Asnois a été séparé en deux sous-ensembles pendant deux siècles par la vente de sa majeure partie à un seigneur étranger à la région. Le vieux château quant à lui et une partie du fief – « Asnois-le-Château » – se sont transmis fidèlement par héritage sur 19 générations des Rongefer aux Blanchefort. L’autre partie – « Asnois-le-Bourg » – et ses arrière-fiefs alentour, avec son propre logis seigneurial dans le village, fut revendue et finalement réunie à la première par une alliance, permettant l’érection d’Asnois en baronnie en 1606.

A l’instar de Suilly-la-Tour – voyez notre article sur « La Pôté de Suilly » – Asnois et ses arrière-fiefs constituaient une « pôté », du latin « potestas », c’est-à-dire un ensemble territorial comprenant plusieurs fiefs et villages, dont le seigneur exerçait son pouvoir sur des habitants restés de condition serve. Des actes tardifs mentionnent encore la « baronnie et posté d’Asnois » comme si cet objet féodal mal identifié conservait une existence, alors que le sire d’Asnois avait affranchi ses serfs en 1304. La pôté comprenait notamment Asnois, Amazy, Saligny (Amazy), Bidon (Amazy), St-Germain-des-Bois et Thurigny (St-Germain), soit une bande d’une dizaine de kilomètres d’est en ouest.

A Suilly, Bossuat avait repéré les droits des habitants de la pôté sur des bois, subsistant jusqu’à la Révolution. Sans doute des traces de cette ancienne structure féodale existaient-elles également à Asnois.

On ne connaît qu’un troisième exemple de pôté : celle de la Madeleine de Vézelay, appartenant à la grande abbaye.

Ce statut hérité de temps immémoriaux pouvait être lié à l’existence dans les sites en question d’une villa gallo-romaine à laquelle un établissement religieux avait succédé. C’était sans doute le cas à Suilly : Vergers – un domaine familial de Saint Germain où la présence d’une église primitive est attestée par la Geste des Evêques d’Auxerre – apparaissait bien comme le centre de la pôté.

L’origine d’Asnois remonte effectivement à la fondation d’un prieuré dépendant de Saint-Martin-de-Nevers établi à l’emplacement d’une ancienne villa. Les seigneurs d’Asnois-le-Château et d’Asnois-le-Bourg, du temps de leur séparation, se partageaient les honneurs de la belle église Saint-Loup qui a succédé à l’édifice primitif : on appelait l’un le « seigneur de la messe », et l’autre le « seigneur des vêpres ».

L’histoire d’Asnois est très bien documentée par un manuscrit relié du XVIIIème siècle intitulé : « Histoire généalogique et chronologique des sires d’Asnois depuis l’an 1258 jusqu’en 1737, dressée sur les titres du thrésor du château d’Asnois et autres preuves tirées de l’histoire et des anciens manuscrits ». Il est dédié au dernier marquis de Blanchefort et illustré en frontispice de ses armes : « D’or à deux léopards de gueules, l’un sur l’autre ». Il développe abondamment la généalogie de cette famille issue des anciens vicomtes de Comborn en Auvergne, mais traite aussi de tous les seigneurs d’Asnois successifs et de leurs alliances, le tout agrémenté de belles illustrations héraldiques. Il a été acheté par les Archives départementales de la Nièvre et est accessible en ligne (lien ci-dessus).

Voyez dans la notice ci-dessous qui furent les seigneurs puis les barons d’Asnois et ne manquez pas de nous faire part de vos remarques.

Asnois (V1 du 4 mai 2024)

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