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La Talvanne, III

(Illustration : les ruines de l’abbaye de l’Epeau)

La Talvanne s’approchait de Donzy dans notre précédent article :  La Talvanne, II  et nous allons reprendre son cours.

Rappelons que la force de l’eau était exploitée sans en perdre une goutte. Même le modeste ruisseau de Villiers qui la rejoint en aval de Savigny était équipé. Il alimentait le moulin à farine de Poinçon, moulin banal – c’est-à-dire découlant du ban ou pouvoir seigneurial – de Colméry. Cet équipement était mis à la disposition de la population par le seigneur moyennant le versement de droits, à l’instar des fours ou des pressoirs banaux. Ce statut fut aboli, comme tous les privilèges féodaux, le 4 aout 1789.

Le moulin de Poinçon avait deux roues et fonctionnait grâce à des lâchers d’eau périodiques de la retenue, car le ruisseau était trop faible pour l’alimenter en continu. Il a poursuivi son activité jusqu’à la fin du XIXème siècle, après avoir été vendu à la Révolution comme Bien de la Nation.

Des actes transcrits par les Cahiers du Val de Bargis nous montrent Philippe de Troussebois, seigneur de Launay, Bouhy et Colméry l’amodier en 1685. En 1715, « haute et puissante dame madame Françoise Marie de Clere, relict d’haut et puissant seigneur messire Armand François de Menou vivant chevaillier seigneur marquis de Charnizay, dudit Menou, dame de Colmery et plusieurs autres lieux…» fait de même. En 1737 c’est le fermier de cette terre qui procède à l’affermage.

Au village des Pénissiaux, où le ruisseau rejoint la Talvanne, une autre roue tournait, actionnant une meule. Son statut était peut-être communautaire, c’est-à-dire qu’elle aurait appartenu aux habitants eux-mêmes, ce village n’étant pas mentionné comme fief.

Reprenons notre descente de la vallée : la rivière contourne l’épaulement rocheux où s’établirent les moines cisterciens venus du Val-des-Choux : l’ancien Prieuré de l’Epeau. Nous en avons évoqué l’histoire, de sa fondation par Hervé et Mahaut au début du XIIIème siècle, jusqu’à sa destruction par les calvinistes appuyés par des reîtres allemands à la fin du XVIème. La hauteur de son église gothique témoigne de son prestige passé. Mais la vie religieuse y avait complètement disparu dès avant la Révolution, et l’évêque d’Auxerre avait fait vendre le site en 1770. Il devint dès lors une propriété privée. L’ancien logis abbatial de style bourguignon laissa place à une nouvelle gentilhommière dans la seconde moitié du XIXème siècle, accostée de ces ruines tragiques.

La ferme de l’Aubron, juste en amont de l’abbaye, était un moulin à forge, partie intégrante du temporel monastique, et affermé. D’après l’inventaire proposé par l’excellent dossier « La Nièvre, le royaume des forges » (Musées de la Nièvre, Etudes et documents N°8, 2006), l’activité métallurgique y est attestée de 1754 à 1850 ; sans doute le site avait-il été auparavant le moulin à farine de l’abbaye. L’Aubron comportait « un feu en mazerie, deux feux d’affinerie, une petite forge, un marteau, un soufflet à piston et un lavoir à bras », soit l’attirail complet des petites installations au fil de l’eau. Les forêts donnaient le bois, le minerai était abondant presque en surface, et la force de la rivière entraînait un arbre à cames. A partir de fontes venant de l’Epeau voisin, la forge de l’Aubron produisait 30 à 50 tonnes de petits fers destinés à l’agriculture (essieux, socs…etc.).

                                                                               

Le site industriel de l’Epeau lui-même, en contrebas de l’abbaye, marque l’apogée de l’exploitation de la Talvanne, qui atteint là son plus fort débit. Un bel ensemble immobilier typique des anciennes forges : maison du maître, bâtiments industriels, logements ouvriers, atteste de son importance passée.

Les moines avaient créé ce moulin à forge, précédé par une retenue d’eau pour en optimiser l’exploitation, sans doute au début du XVIIème siècle. Il utilisait les minerais de la Ronce à Vielmanay, ou de la Bretonnière, toute proche : le filon ne traversait-il pas tout le pays d’Entrains à La Charité ? Seule dans cette vallée la forge de l’Epeau mettait en œuvre un haut-fourneau, précurseur de la grande industrie, qui produisit jusqu’à 400 tonnes de fonte par an pour fabriquer notamment des pièces d’ancre pour la Marine. Ces éléments étaient acheminés à Cosne pour y être assemblés. Les forges de Cosne avaient été fondées en 1661 dans l’élan donné par Mazarin, nouveau duc de Nivernais et Donziais, dont le jeune Colbert avait repéré toutes les potentialités minières, forestières et hydrauliques. Il bénéficiait de la puissante chute du Nohain dans la Loire, dûment aménagée, et des capacités de transport du fleuve. Il fut racheté ensuite par Babaud de La Chaussade. Des moulins de la Talvanne aux vaisseaux du Roi, toute une chaine s’articulait, activée par une procession de petits métiers.

Le fourneau et la forge de l’Epeau avaient été affermés dès leurs débuts à de véritables maître de forge, et l’activité ne fut pas affectée par le déclin de l’abbaye et sa chute : les prieurs commendataires y veillaient, dont elle alimentait largement le revenu. La vente de l’ensemble à Claude de La Barre, déjà investi à la Motte-Josserand, la relança. La production fut diversifiée, avec des produits de première fusion comme les plaques de cheminée ou les enclumes, et toute la gamme des fers agricoles. Elle se poursuivit au-delà de 1850 car c’était une installation semi-industrielle. Elle fut cependant remplacée en 1879 par une verrerie, puis par une talonnerie à l’époque contemporaine.

Laissant derrière nous ce site remarquable, sur cette rivière aux deux abbayes, nous achèverons bientôt le cours de la Talvanne dans un dernier article…

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La Talvanne, II

(Illustration : la Talvanne à Cessy)

Reprenons le cours de la Talvanne laissé au Moulin des Bourguignons à Cessy dans un article précédent : La Talvanne, au fil de l’eau et des siècles…

 Nous arrivons au moulin de Chévenet, dans cette même commune, qui eut un statut et un destin similaires à celui des Bourguignons.

Cette même année 1651, Roger de Bussy-Rabutin, sgr de Cessy (Bussy-Rabutin et Cessy) le faisait réparer par un « pierreux » de Suilly et l’affermait « moyennant un loyer de 4 boisseaux de mouture par semaine et 6 boisseaux de froment, 2 chapons et 6 poulets par an, le tout « rendu et conduit » dans les greniers du seigneur au bourg ». Une retenue d’eau permettait d’en concentrer le débit. En 1664, il fut transformé en forge, avec un feu en mazeriepremier affinage de la fonte – un feu de petite forge, un marteau et un bocard à scories – pilons à came pour casser le minerai -, c’est-à-dire un équipement complet. Au XIXème siècle il sera transformé en tréfilerie, produisant des pointes à partir des fers ronds de Vergers jusqu’en 1851.

                                                   

Il y avait à Chevenet deux domaines. L’un, la « métairie d’en-haut », appartenait en au même seigneur ; l’autre, la « métairie d’en-bas », appartenait au Prieuré, que « …accensé et amodié à titre de moitié… » par « …l’agent des affaires de messire Pierre Langlois de La Fortelle, abbé commendataire de l’abbaye royale de Bourras, seigneur prieur du prieuré de Cessy, St-Malo, Coche et Vielmanay…»

Ces exemples confirment l’existence de deux patrimoines distincts autour du vieux monastère de Cessy et des anciens prieurés qui lui étaient associés : celui des religieux, dont le prieur commendataire s’appropriait l’essentiel des revenus, et celui d’un seigneur laïc qui devait en assurer la garde. Il va sans dire que cette mission traditionnelle était devenue symbolique au XVIIème siècle, à l’instar du service militaire dû au suzerain au moyen-âge.

Notre rivière contourne ensuite le grand massif forestier appelé ici le « Bois de Malgouverne »par le nord, et file vers la vallée du Nohain.

Voici Savigny, son petit moulin, et sur la hauteur le domaine de ce nom où se trouvait autrefois un « vieux château », nous faisons ici une incursion dans la paroisse de Colméry. Nous avons étudié ce site (Savigny, à Colméry). Lors de sa vente en 1596 par Hubert de La Rivière, sgr de Colméry, à Jean Maignan, lieutenant particulier au bailliage de Donzy, Savigny comprenait : forge, maison, grange, colombier, bief, cours d’eau, 2 prés, 10 hectares de terres ainsi que des bois et divers droits sur les habitants du hameau : cens et rentes, droits d’usage et de guet.

Il s’agissait donc d’une terre noble mais relativement modeste, tenue en arrière-fief de Colméry, que les sires de La Rivière détenaient depuis le XIVème siècle.

Près de cent ans plus tard, Blaise Maignan de Savigny, petit-fils de Jean, rendait hommage à son suzerain. Pour ce faire il « s’est transporté audict lieu de Colmery au-devant la maison seigneurialle dudict lieu et la estant ledit sieur Magnen acompagné dudit nottaire et tesmoings a frappé à la porte de laditte maison seigneurialle ; quoy faisant est survenu messire Philippes de Troussebois, chevallier seigneur de Launay, Cosmes, Bouhy le Tertre, Dampierre soulz Bouhy, Riviere, Saimpuis, La Forest Gallon Saint Anne, dudict Colmery et autres lieux auquel ledit sieur Magnen a dict et fait entendre qu’il s’estoit transporté expres dudict Donzy en ce lieu affin de luy faire les foy et hommages du fief et seigneurye de Savigny à luy appartenant…. etc. » suivant un bel acte transcrit par les Cahiers du Val de Bargis.

Le moulin quant à lui paraît avoir eu une activité métallurgique modeste et fut affecté à la meunerie dès le XVIIIème siècle.

Notre rivière est maintenant renforcée par les ruisseaux de Villiers et du Vaudoisy. Nous avons étudié l’histoire de ce petit fief, dont le nom pourrait désigner un vallon où croissent des « osiers ». Il est mentionné en 1516, date de l’installation sur place d’un gentilhomme verrier, Jean de la Bussière, déjà sgr de la Bruère à Treigny. C’était une terre indépendante de Colméry, appartenant au prieuré clunisien de Notre-Dame du Pré qui la sous-inféodait. Il lui fit retour deux fois au XVIIème et au XVIIIème siècles. Il y avait là une motte féodale et des fossés qui ont disparu.

Au détour d’un méandre nous abordons le territoire de Donzy par l’ancienne paroisse de Bagnaux, qui faisait pendant à celles de Saint-Martin du Pré et de la Grande Brosse. A leur différence la petite église dédiée à Saint-Pierre qui se trouvait aux confins de ce faubourg sur la rive droite de la rivière, a malheureusement disparu. Elle avait accueilli tous les évènements familiaux de cette basse vallée depuis le moyen-âge. Ses registres paroissiaux en rappellent la mémoire jusqu’à la Révolution.

A suivre…

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Dreigny, à Colméry

(Illustration : archers de la garde écossaise)

Le petit fief de Dreigny, à Colméry, où aucune trace castrale ne subsiste, doit être ajouté à la liste des terres nobles de ce modeste village. Il s’agissait peut-être d’un arrière-fief qui en fut détaché.

Nous avons ainsi examiné l’histoire de Savigny, Malicorne, Le Vaudoisy, ou encore de la Forest-de-Lorme.

Rappelons ici l’exceptionnelle documentation du site Cahiers du Val-de-Bargis, véritable musée numérique de cette partie sud du Donziais, autour de l’ancien château comtal de Chateauneuf.

Le premier seigneur identifié de Dreigny, au milieu du XVIème siècle, était un gentilhomme venu d’Ecosse pour servir comme archer dans la Garde écossaise : Jehan Angulby, dont le nom fut transformé ensuite en Augulby.

Après quelques avatars, Dreigny fut acquis par le comte de Fonfaye, François de Morogues, et vendu comme Bien de la Nation à la Révolution.

 

Voyez ci-dessous une première notice consacrée à la succession des seigneurs de Dreigny. Bien que son histoire soit peu documentée, en particulier dans Marolles, nous ne désespérons pas de l’enrichir, avec votre aide…

Dreigny

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Savigny, à Colméry

(Illustration : l’ancien moulin de Savigny, sur la Talvanne – source Cahiers du Val de Bargis)

Le fief de Savigny, à Colméry, avec son moulin sur la Talvanne, était un arrière-fief de Colméry.

Sur l’histoire ancienne de ce beau village, comme de toute la région de Châteauneuf,  ne manquez pas de consulter l’excellent site : « Cahiers du Val de Bargis« .

Savigny a donc été détenu par les seigneurs de Colméry jusqu’à sa vente, à la fin du XVIème siècle, aux Maignan, notaires à Donzy, dont les héritiers le céderont à la comtesse de Fonfaye, Louise de Prunelé, veuve de François Gabriel de Morogues.

Il y aurait eu une maison-forte, dont les traces sont signalées à quelque distance du domaine actuel de Savigny, en lisière de forêt.

Voyez ci-dessous la notice décrivant, en l’état actuel de nos connaissances, la succession des seigneurs de Savigny.

  Savigny  (V4 du 49 janvier 22)

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La Forest-de-Lorme, à Colméry

La « Forest-de-Lorme » serait un fief de Colméry, mais on ne sait pas vraiment où…

Jean de Mello – qu’il faudrait pouvoir situer dans la généalogie de cette famille picarde puis bourguignonne venue en Nivernais – fait hommage pour cette terre en 1329 ? 

En 1348, Hue d’Amboise, qui a épousé l’héritière de Saint-Verain – fille de Jeanne de Mello, qui lui a sans doute légué le fief -, fait hommage à son tour.

La Forest-de-Lorme est dès lors associée à la seigneurie de la Maisonfort à Bitry, que se transmet une branche de la maison d’Amboise-Saint-Verain. On retrouve le fief en 1533 aux mains de Claude de Beaujeu, second époux de Marie des Ulmes, héritière de la Maison-Fort.

Le fief appartient ensuite aux Monnot, bourgeois de Nevers et de Donzy au service du Duc, à la fin de ce même siècle. Il leur a peut-être été attribué en même temps que Chailloy, après confiscation, pour les mêmes raisons : les Beaujeu étaient protestants.

Les Monnot sont impliqués dans l’industrie métallurgique naissante : habitant à Lépeau (Donzy) ou à Chailloy, comme maîtres de forges. Ils s’allient dans la bourgeoisie rurale et la petite aristocratie du voisinage ou en Orléanais. On les suit sur six ou sept générations.

La trace de la Forêt-de-Lorme se perd à nouveau au XVIIIème siècle.

La localisation de ce fief forestier reste mystérieuse. Le site « Cahiers du Val de Bargis », qui propose pourtant une approche très documentée de cette paroisse et des nombreux fiefs qu’elle comprenait, n’en fait pas état. On ne le trouve pas davantage sur les cartes. Il est donné par Marolles comme appartenant à la châtellenie de Donzy, mais certaines sources le placent à Donzy ou à Suilly-la-Tour.

Voyez ci-dessous la notice qui présente la succession des seigneurs de la Forêt-de-Lorme, sur la base d’un certain nombre d’hypothèses que nous formulons.

Des précisions complémentaires devront y être apportées pour les origines comme pour la dernière période, mais surtout sur son emplacement.

Merci à l’avance pour votre aide…

La Forêt-de-Lorme  (V3 du 4/1/22)

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