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Port-Royal en Puisaye ?

(Illustration : l’expulsion des soeurs de Port-Royal)

Nous évoquons souvent sur ce blog le village de Treigny, en Puisaye donziaise. Il est riche de très nombreux sites castraux (Ratilly, Guerchy, la Bussière, la Cour-des-Prés, Boutissaint…), d’une belle église (Saint-Symphorien), et de l’extraordinaire chantier de Guédelon. Dans l’article consacré à Ratilly, nous avions mentionné que ce château fut acheté vers 1720 par un certain Carré de Montgeron, qui y abrita des jansénistes attirés par la protection de Mgr de Caylus, évêque d’Auxerre.

En fait, Treigny et Ronchères, devinrent, suivant les termes de Dugenne dans son « Dictionnaire biographique » un « centre de direction du parti janséniste » et un « second Port-Royal », au début du XVIIIème siècle.

Cette histoire curieuse du Jansénisme en Auxerrois eut deux protagonistes principaux : l’évêque lui-même, et l’abbé Terrasson, curé de Treigny, venu de Paris.

Charles de Caylus (1669 -1754) fut un prélat peu ordinaire et son épiscopat dura 50 ans. Il était issu d’une vieille famille du Rouergue, avait étudié au Collège Louis le Grand et au Séminaire Saint-Sulpice. Ses protecteurs, Mme de Maintenon – à qui sa famille était liée – et Bossuet, lui permirent d’être nommé très tôt Aumônier du Roi et de recevoir quelques « bénéfices ».

                                                                            

Remarqué par le Cardinal de Noailles, archevêque de Paris, il fut son Grand Vicaire et dirigea le Collège des Lombards.

Nommé à Auxerre en 1704 à la suite d’André Colbert, il choisit de résider dans le somptueux château de Régennes, à Appoigny, plutôt qu’au vieux Palais épiscopal. Il développa alors une grande activité, incluant une forte présence auprès des paroisses et un management volontariste du clergé, et fit de l’Auxerrois un bastion janséniste, en toute impunité royale.

                                                            

Habile et déterminé, après avoir feint d’accepter la Bulle Unigénitus du pape Clément XI (1714), il rejoignit en 1717 le camp des « appelants » contre cette bulle, dans le contexte moins répressif initié par le Régent. Il fut dès lors un propagateur infatigable et favorisa l’impression clandestine en Puisaye des « Nouvelles ecclésiastiques », l’organe de presse janséniste.

Il entraina avec lui, bon gré mal gré, une bonne partie du chapitre et du clergé. Le chanoine Lebeuf, qui nous est familier comme historien de l’Auxerrois, et donc du Donziais, ne fut pas en reste.

Mgr de Caylus accueillit notamment le fameux abbé Terrasson (Gaspard, 1680-1752, frère de Jean), et la cure de Treigny devint un centre de l’activisme janséniste, au grand étonnement sans doute de la population locale. Ratilly fut un lieu de séjour, de travail et de recueillement pour des zélateurs exilés ; le « Couvent de Treigny » devint une école. Aujourd’hui ce sont des hauts lieux du renouveau de la poterie de Puisaye

                                                          

L’abbé avait un grand talent de prédicateur et s’était fait remarquer par son oraison funèbre du Grand Dauphin à Troyes en 1711. Il avait été chassé de l’Oratoire après son refus de la Bulle.

Il mena en Puisaye une activité sociale et charitable importante, mais fut surtout l’organisateur d’une véritable dérive sectaire. On rejetait les divertissements profanes et on exaltait la « pénitence » : jusque là rien que de banal. Mais on entendait surtout contester l’Institution ecclésiale, certaines de ses pratiques et ses liens avec le pouvoir – ce qui rappelait un peu le Calvinisme – . On associait Rome dans ce rejet au nom d’un nouveau Gallicanisme (le « Richerisme » du nom d’Edmond Richer, que nous avons déjà rencontré comme…. abbé commendataire de Coche à Vielmanay). On allait jusqu’à regarder avec indulgence les excès des « Convulsionnaires » et on exaltait de pseudo-miracles.

Sans entrer dans les subtilités théologiques de ce temps, le sous-produit auxerrois du Jansénisme paraît bien éloigné de l’ambition doctrinale et de la pureté de Port-Royal, que Pascal avait soutenue, que Racine et Saint-Simon avaient admirée, et qui conserve une véritable aura à notre époque.

(Pour approfondir ces questions, un ouvrage de référence :  Histoire générale du mouvement jansénisted’Augustin Gazier (en bibliothèque). Le lien vous propose simplement une reproduction de l’avant-propos très éclairant de l’auteur, qui suggère aussi la lecture du « Port-Royal » de Sainte-Beuve.)

Finalement dénoncé après de longues années de prosélytisme qui ne laissent pas d’étonner, par l’archevêque loyaliste de Sens – le « supérieur » de Mgr de Caylus – pour ses « messes sèches » (sans consécration), Terrasson fut arrêté en 1735, détenu à Vincennes puis assigné à Argenteuil jusqu’à sa mort.

Cet épisode de luttes fratricides et de contestation au sein de l’Eglise ne fut pas sans conséquences dans le diocèse. Le Donziais, au contact de Sancerre et de La Charité, avait déjà été profondément marqué par les affres des Guerres de religion, omniprésents dans l’histoire des châteaux, de leurs occupants et des monastères, à la fin du XVIème siècle.

Les spécialistes considèrent que cette nouvelle parenthèse de troubles et de divisions fut un facteur puissant d’éloignement de l’Eglise, de son clergé et de la foi chrétienne, de populations qui ne les retrouvèrent pas, malgré les efforts des successeurs de Caylus. Les Lumières et la Révolution parachevèrent cette véritable « déchristianisation précoce » . Elle continua de caractériser l’Auxerrois, et s’incarna par exemple dans le cheminement politique d’un Paul Bert, natif de Bouhy.

Si ces questions vous intéressent, vous pouvez les approfondir en découvrant les liens que nous vous proposons au fil du texte, et vous reporter :

Bonne découvertes et merci de vos remarques !

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Perchin, à Treigny

(Illustration : armes de La Rivière)

Perchin, aujourd’hui un hameau de la vaste commune de Treigny, avait conservé jusqu’au début du XXème siècle, des restes d’un ancien manoir seigneurial, et notamment une porte à linteau du XVème siècle.

Ce fief avait été tenu pendant longtemps par les sires de La Rivière, à qui cette terre avait été apportée par Isabeau de Chassin au XIIIème siècle.

Il passa ensuite aux La Ferté-Meung (voir la notice Beauvais-Lainsecq) puis aux Carroble, Le Caruyer, Perreau et Bonnin par des alliances.

Perchin fut en fait un fief secondaire, associé à des fiefs principaux comme Champlemy et Beauvais-Lainsecq. Au XVIIème siècle il était dans les mains de Jacqueline de Menou et fut dès lors associé à la possession de Ratilly.

Voyez ci-dessous la succession des seigneurs de Perchin, qu’on rencontre sur plusieurs autres sites :

Perchin  (V2 du 16/9/21)

D enluminé

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Ratilly, ocre et grès

(Illustration : château de Ratilly)

Le grand château médiéval de Ratilly, près de Treigny, impose son charme unique, majestueux et simple, au milieu des bois de la Puisaye qui lui a fourni l’ocre roux de ses pierres. Construit au XIIIème siècle et modifié au XVIème, il est passé de mains en mains par héritages et ventes.

Le nom de Ratilly (dont l’origine semble provenir du mot « ratel » : la herse) est cité pour la première fois dans un acte de 1160 (chevalier Renaud de Ratilly). Un château-fort aurait été construit dès le 11ème siècle, lors de l’établissement de la féodalité en Puisaye. Rasé au niveau des glacis au cours de guerres entre seigneurs, c’est sur ses fondations que Mathieu de Ratilly fait bâtir vers 1270 l’édifice actuel, qui va connaître bien des vicissitudes malgré son isolement. Durant la guerre de Cent Ans, entre 1357 et 1380, Ratilly est aux mains de Guy de Vallery, qui y entretient une bande d’aventuriers bretons et pille la région (incendie du prieuré de Moutiers).

En 1567, les Huguenots s’emparent de Ratilly et en font une de leurs places fortes dans l’Auxerrois d’où ils commettent « pillages, voleries, meurtres et saccagements« . Le calme revient à l’avènement d’Henri IV.

Mary du Puy, seigneur d’Igny (près de Palaiseau), fait restaurer Ratilly et s’y installe en 1587. Sa seconde fille, Jeanne, épouse en 1616 Louis de Menou, gouverneur du Duché de Saint Fargeau. Celui-ci fait construire le bâtiment d’entrée reliant les deux tours et restaurer la chapelle Sainte Anne, disparue depuis. En novembre 1653, il reçoit la Grande Mademoiselle, désireuse de quitter momentanément Saint Fargeau où vient de mourir l’une de ses dames d’honneur. « Comme la maison est petite (sic !) , j’y menai peu de monde et ne gardai même point de carrosse… Je fus cinq à six jours dans ce désert... » note-t-elle dans ses mémoires.

En 1732, Louis Carré de Montgeron, Conseiller au Parlement de Paris, achète Ratilly pour aider l’abbé Terrasson, exilé à Treigny, à propager les idées jansénistes. Mais en 1735  M. de Montgeron et l’abbé Terrasson sont embastillés, et Ratilly revendu.

Il est acheté en 1740 par Pierre Frappier, seigneur de Dalinet, dont la fille épouse en 1755 André-Marie d’Avigneau, d’une famille de l’Auxerrois. Ratilly devait rester dans cette famille jusqu’en 1822. Au moment de la Révolution, le château, un peu éloigné de tout, est épargné.

Il a été acquis en 1951 par Norbert et Jeanne Pierlot qui en ont fait, autour de la poterie, un lieu de rencontre de toutes les formes de l’art contemporain (Site chateauderatilly).

Ci-dessous la notice consacrée à la succession des seigneurs de Ratilly ; merci de nous aider à la préciser…

Ratilly (Version augmentée du 17/9/21)

D enluminé

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