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Une autre baronne de Perreuse célèbre

(Illustration : Renée d’Anjou-Mézières, comtesse de Saint-Fargeau, baronne de Perreuse)

Nous avons déjà parlé de la petite baronnie de Perreuse, au sud de la Puisaye (aujourd’hui commune fusionnée de Treigny-Perreuse-Sainte-Colombe, Yonne), qui appartenait aux seigneurs de Toucy puis de Saint-Fargeau, avec de nombreux arrière-fiefs, mais se situait en Donziais (châtellenie de Saint-Sauveur). Le dernier baron de Perreuse fut le conventionnel Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, qui vota l’abolition des privilèges et la mort du roi, puis fut assassiné.

Perreuse, maisons anciennes

L’histoire de Perreuse et de Saint-Fargeau réserve d’autres surprises : la Grande Mademoiselle, Anne-Marie d’Orléans, fille de Gaston frère de Louis XIII et de la dernière des Montpensier, fut à ce titre baronne de Perreuse et découvrit la contrée pendant le long exil que le roi lui imposa à la suite de ses initiatives frondeuses (1652 -1657 – voir notice Ratilly -).

Nous allons évoquer ici sa bisaïeule, Renée d’Anjou-Mézières, comtesse de Saint-Fargeau et baronne de Perreuse, née en 1550 au château de Mézières-en-Brenne, et morte sans doute en 1586. Elle était la fille de Nicolas d’Anjou-Mézières (voir notice Saint-Fargeau)descendant d’une branche bâtarde des rois de Sicile de la maison d’Anjou – et de Gabrielle de Mareuil. Elle avait épousé François de Bourbon, duc de Montpensier (duc de Chatellerault, prince de la Roche-sur-Yon, Dauphin d’Auvergne et comte de Mortain ; 1542-1592) – issu des ducs de Bourbon capétiens, puis des comtes de La Marche et de Vendôme – ; un proche parent du roi Henri IV. Pour eux le vaste fief de Saint-Fargeau avec ses dépendances fut érigé en duché-pairie.

On peut imaginer que Renée séjourna dans cette immense demeure de brique et de pierre qui succédait à une forteresse construite avant l’an Mil par Héribert, évêque d’Auxerre (+ 996 à Toucy), demi-frère d’Hugues Capet. Poussa-t-elle en carrosse jusqu’à Perreuse avec ses gentilshommes pour y rencontrer le capitaine du lieu dont la belle maison de ce temps subsiste sur la place du village, et jusqu’à Treigny, pour se recueillir dans l’église St-Symphorien, la « cathédrale de la Puisaye » ?

Saint-Fargeau

Renée n’était pas seulement la très riche héritière de ces lignées princières, elle était aussi une très belle jeune femme, comme son portrait nous le confirme. Toutefois, elle n’aurait pas laissé plus de traces dans l’histoire que telle ou telle autre grande dame de ce temps si elle n’avait pas été choisie par Madame de Lafayette (1633-1693) comme héroïne de sa nouvelle : « La Princesse de Montpensier », parue en 1662, du vivant même de la Grande Mademoiselle, son arrière-petite-fille.

Perreuse, maison du Capitaine

On ne saura jamais pourquoi l’auteure de ce petit roman historique et psychologique – précurseur de son œuvre majeure « La princesse de Clèves » -, dont l’intrigue se déroule à la fin du règne de Charles IX, l’avait choisi pour héroïne ? Pourquoi l’avait-elle entourée dans cette fiction de personnages ayant eux aussi existé : son mari, François de Bourbon-Montpensier ; Henri de Lorraine, duc de Guise, chef du parti catholique ; François, duc d’Anjou ? Le comte de Chabannes du roman quant à lui est fictif, mais pas son nom, qui n’est pas inconnu en Puisaye (Saint-Fargeau) et en Donziais (Vergers).

C’était une démarche audacieuse en ces temps de censure implacable, même s’il s’agit selon l’Avertissement du livre « d’aventures inventées », à partir de ces noms empruntés à l’Histoire. L’ancrage historique très soigneux du roman était également novateur : il s’agissait d’éclairer les motivations de hauts personnages dont les haines politiques sont décrites comme résultant de rivalités amoureuses, dans le contexte violent des guerres de Religion. « L’amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres et d’en causer beaucoup.» L’ouvrage rencontra un grand succès. Le choix de ces personnages réels ne manqua certes pas de susciter des critiques, d’autant qu’ils avaient des descendants proches de la Cour. Mais peut-être avait-il été fait par la sage Lafayette, demoiselle d’honneur de la Reine, amie de Mme de Sévigné tenant salon à Paris, pour donner à l’œuvre toute sa puissance moralisatrice.

Mme de Montpensier « aurait été sans doute la plus heureuse des princesses si la vertu et la prudence eussent conduit toutes ses actions » écrit Mme de Lafayette non sans aplomb. Rien ne permet d’écrire que la vraie Renée, dont les détails de la vie sont effacés à nos yeux, connut les mêmes errances que son double littéraire, et ne fut pas vertueuse et prudente. Elle eut de François de Bourbon un fils unique, Henri, qui hérita de tous leurs biens et titres et servit glorieusement le roi. Clouet a donné un portrait de lui à 20 ans. Marie de Bourbon-Montpensier, petite-fille de Renée, l’une des plus riches héritières de son temps, fut la mère de la Grande Mademoiselle.

Le duché de Saint-Fargeau, avec Perreuse, fut vendu par Lauzun, son mari secret devenu veuf, au financier Antoine Crozat, marquis du Chatel, en 1714, qui le revendit un an plus tard à Michel Lepeletier des Forts, le bisaïeul du dernier baron de Perreuse.

La princesse, François, Guise, Anjou, et Chabannes ont été récemment ressuscités au cinéma dans une superbe adaptation de Bertrand Tavernier : 

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Les seigneurs de la Rivière d’Yonne…

Connaissez-vous Henri Coeffier de Ruzé d’Effiat ?

Non ? Vous êtes sûrs ? Et si l’on vous dit qu’il était Grand-Ecuyer de France – « Monsieur le Grand » – favori de Louis XIII, introduit auprès de lui par le Cardinal de Richelieu ?

Peu avant sa propre mort, ce grand ministre lui fit cependant couper la tête sur la place des Terreaux à Lyon alors qu’il n’avait que 22 ans, car il avait participé à une conspiration contre lui avec Gaston d’Orléans, l’oncle du roi, et son ami François Auguste de Thou. Henri était mécontent en fait de se voir refuser un duché et la main de Marie de Gonzague-Nevers, celle-là même qui devint Reine de Pologne.

Ca y est, vous y êtes : c’est le fameux Cinq-Mars !

Il était le fils cadet d’Antoine Coeffier, Surintendant des Finances, ambassadeur, maréchal de France, marquis d’Effiat en Auvergne, de Longjumeau et de Chilly, et seigneur de bien d’autres lieux. Ces terres et titres marquaient la faveur du Roi pour ce grand serviteur issu d’une lignée bourgeoise qui comptait plusieurs maires de Tours. Les Coeffier, originaires d’Aigueperse, portaient : «De gueules, au chevron fascé-ondé d’argent et d’azur de six pièces, acc. de trois lions d’or », des armes reprises de leurs ancêtres Ruzé, de Touraine, éteints.

                                                                       

Henri quant à lui ne fit pas bon usage de la faveur royale. Il mena une existence dissolue, subissant l’influence de sa maîtresse, la trop fameuse Marion de Lorme, et se laissa entraîner par vanité dans cette aventure dissidente sans autre issue que le billot.

Fort bien, me direz-vous, mais que vient faire ici le marquis de Cinq-Mars ?

C’est qu’il était seigneur en Donziais. Il y détenait le fief dit « de la Rivière d’Yonne », que son père avait dû recevoir ou acquérir au tout début du siècle. Le bassin de cette belle rivière ne reçoit-il pas les eaux de Druyes-les-Belles-Fontaines et celles du Sauzay. Il s’agissait d’une construction féodale originale comprenant un ensemble de droits sur la rivière : haute, moyenne et basse justice, ainsi que l’exclusivité de la pêche. Cela devait représenter de beaux revenus – affermés par lots sans doute – si l’on en juge par la qualité des détenteurs successifs avant les Coeffier : Dreux de Mello au début du XIVème siècle, Jean de Bourgogne-Nevers lui-même au XVème, Louis de Sainte-Maure, connu comme comte de Laval, au XVIème. La dévolution précise du fief reste cependant à établir…

Pour des raisons difficiles à identifier, son titulaire devait hommage au comte de Saint-Fargeau, au titre de la baronnie de Perreuse, située en Donziais. Peut-être cet improbable fief aquatique venait-il des barons de Toucy du Moyen-Age, détenteurs de Saint-Fargeau et Perreuse, dont une descendante directe avait épousé Dreux de Mello ? Pour Cinq-Mars en tout cas le suzerain était une suzeraine : Marie de Bourbon-Montpensier, comtesse de Saint-Fargeau – petite-fille de la fameuse Princesse de Montpensier de Mme de La Fayette, et mère de la Grande Mademoiselle -, duchesse d’Orléans par son mariage avec Gaston, le mentor de notre Grand-Ecuyer pour le meilleur et pour le pire.

Cinq-Mars n’eut pas le temps de se marier et de procréer. Ses biens, dont les droits sur la Rivière, passèrent à sa sœur Marie, qui avait épousé Charles de La Porte, duc de la Meilleraye, Grand-Maître de l’Artillerie, Maréchal de France – dont ont peut voir l’appartement reconstitué à l’Arsenal -. L’Yonne et ses poissons étaient en bonnes mains. Leur fils Armand-Charles fut duc de Mazarin et de Mayenne par son mariage avec la belle et riche Hortense Mancini, nièce du Cardinal, qui le fit donc beau-frère du nouveau duc de Nevers.

Ensuite notre fief subit le sort commun et fut plusieurs fois revendu à de riches parlementaires et à un fermier général : Etienne Pierre Masson de Maison-Rouge, dont le père avait acquis de grandes terres dans les environs de Cosne : Buranlure en Sancerrois, Montchevreau et Mocques.

Les derniers seigneurs de la Rivière d’Yonne furent à l’image du système finissant : un magistrat auxerrois issu d’une vieille famille donziaise, Joseph Le Muet, sgr de Bellombre, et un négociant en vins, maire d’Auxerre, Edme-Germain Villetard.

Sic transit….

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Ratilly, ocre et grès

(Illustration : château de Ratilly)

Le grand château médiéval de Ratilly, près de Treigny, impose son charme unique, majestueux et simple, au milieu des bois de la Puisaye qui lui a fourni l’ocre roux de ses pierres. Construit au XIIIème siècle et modifié au XVIème, il est passé de mains en mains par héritages et ventes.

Le nom de Ratilly (dont l’origine semble provenir du mot « ratel » : la herse) est cité pour la première fois dans un acte de 1160 (chevalier Renaud de Ratilly). Un château-fort aurait été construit dès le 11ème siècle, lors de l’établissement de la féodalité en Puisaye. Rasé au niveau des glacis au cours de guerres entre seigneurs, c’est sur ses fondations que Mathieu de Ratilly fait bâtir vers 1270 l’édifice actuel, qui va connaître bien des vicissitudes malgré son isolement. Durant la guerre de Cent Ans, entre 1357 et 1380, Ratilly est aux mains de Guy de Vallery, qui y entretient une bande d’aventuriers bretons et pille la région (incendie du prieuré de Moutiers).

En 1567, les Huguenots s’emparent de Ratilly et en font une de leurs places fortes dans l’Auxerrois d’où ils commettent « pillages, voleries, meurtres et saccagements« . Le calme revient à l’avènement d’Henri IV.

Mary du Puy, seigneur d’Igny (près de Palaiseau), fait restaurer Ratilly et s’y installe en 1587. Sa seconde fille, Jeanne, épouse en 1616 Louis de Menou, gouverneur du Duché de Saint Fargeau. Celui-ci fait construire le bâtiment d’entrée reliant les deux tours et restaurer la chapelle Sainte Anne, disparue depuis. En novembre 1653, il reçoit la Grande Mademoiselle, désireuse de quitter momentanément Saint Fargeau où vient de mourir l’une de ses dames d’honneur. « Comme la maison est petite (sic !) , j’y menai peu de monde et ne gardai même point de carrosse… Je fus cinq à six jours dans ce désert... » note-t-elle dans ses mémoires.

En 1732, Louis Carré de Montgeron, Conseiller au Parlement de Paris, achète Ratilly pour aider l’abbé Terrasson, exilé à Treigny, à propager les idées jansénistes. Mais en 1735  M. de Montgeron et l’abbé Terrasson sont embastillés, et Ratilly revendu.

Il est acheté en 1740 par Pierre Frappier, seigneur de Dalinet, dont la fille épouse en 1755 André-Marie d’Avigneau, d’une famille de l’Auxerrois. Ratilly devait rester dans cette famille jusqu’en 1822. Au moment de la Révolution, le château, un peu éloigné de tout, est épargné.

Il a été acquis en 1951 par Norbert et Jeanne Pierlot qui en ont fait, autour de la poterie, un lieu de rencontre de toutes les formes de l’art contemporain (Site chateauderatilly).

Ci-dessous la notice consacrée à la succession des seigneurs de Ratilly ; merci de nous aider à la préciser…

Ratilly (Version augmentée du 17/9/21)

D enluminé

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La Bussière

(Illustration : la Bussière)

Le manoir de la Bussière à Treigny, une commune très riche en patrimoine (église, châteaux de Ratilly, Guerchy, Boutissaint, la Cour-des-Prés, chantier en construction de Guédelon), est en cours de restauration après un long abandon.

Il tient son nom d’une famille poitevine venue en Berry, puis en Puisaye au début du XVIème siècle – sans doute par protection de Nicolas d’Anjou, marquis de Mézières – dont une branche fonda ce fief par détachement de celui de Guerchy voisin. Elle s’établit solidement dans la région où elle noua de nombreuses alliances qui nous font la retrouver en bien des sites.

Voir ci-dessous une notice présentant la généalogie de cette famille, avec ses différentes branches et les fiefs qu’elle a tenus :

Généalogie de La Bussière

Cette même famille avait acquis simultanément des bois des moines de Moutiers (voir cette notice) pour y implanter une « tuilerie », et ce « fief » fut intitulé ensuite « La Bussière-des-Bois » (commune de Moutiers-en-Puisaye)

Le docteur P. Da Silva Moreira, propriétaire du château et maire de Treigny (2015), lui a consacré un bel ouvrage : « Mémoires d’un lieu, le château de la Bussière, en Puisaye-Forterre« , et un blog : chateau.de.la.bussiere.en.puisaye.forterre.

Ci-dessous une notice présentant la suite des seigneurs de La Bussière.

La Bussière  (V2 augmentée du 8/12/16)

D enluminé

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