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L’abbé Lebeuf, historien de l’Auxerrois

(Illustration : cathédrale Saint-Etienne d’Auxerre, lutrin)

Les travaux de l’abbé Jean Lebeuf (1687-1760), historien originaire d’Auxerre, sont une source inépuisable pour l’histoire du Donziais, partie intégrante de ce diocèse avant la Révolution. Dugenne donne, dans son Dictionnaire, une notice biographique très détaillée de cet infatigable érudit (voir Bibliographie).

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Fils d’un « commis aux recettes et consignations » demeurant paroisse Saint-Régnobert, Lebeuf fit des études classiques à Auxerre puis à Paris (Sorbonne). Il fut ordonné par Mgr de Caylus (1711) et nommé peu après chanoine honoraire de la cathédrale, en raison de ses titres universitaires, dignité qu’il conservera jusqu’en 1753. Il fut incontestablement un disciple de cet évêque connu pour son adhésion au Jansénisme.

Passionné par la recherche historique, il s’attacha d’abord à éclairer l’histoire religieuse de son pays et fit paraître, en 1716, la Vie de Saint Pèlerin, premier évêque d’Auxerre, puis en 1722 l’Histoire de la vie de Saint Vigile, évêque d’Auxerre. L’année suivante parut son Histoire de la prise d’Auxerre par les huguenots, récit épique d’une époque très troublée et violente (voyez à ce sujet la notice consacrée au fief de Maisonblanche qui s’y réfère). Mais ces travaux n’étaient qu’une préparation à L’histoire civile et ecclésiastique d’Auxerre, publiée vingt ans plus tard (cf. infra).

Il aborda cependant bien d’autres sujets. En 1734, il était couronné par l’Institut, pour son Discours sur l’état des sciences dans l’étendue de la monarchie française, depuis la mort de Charlemagne jusqu’à celle de Robert, paru d’abord dans le Mercure de France. Il publia ensuite de nombreux ouvrages historiques et fut nommé membre associé de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres. Géographie de la Gaule et de la France au Moyen Âge, archéologie gallo-romaine, numismatique, histoire des rois, des villes…etc., Lebeuf traite de tout avec une égale érudition. On peut le considérer comme un des fondateurs de l’étude de la géographie nationale aux époques mérovingienne et carolingienne, même si certaines de ses approches, discutables, ont été ensuite remises en cause.

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Au XVIIIe siècle l’archéologie était encore balbutiante, mais Lebeuf savait déjà beaucoup de choses sur les monuments, comme en témoignent les Antiquités de Paris et de ses environs. C’est finalement à la capitale et à son diocèse, où il réside à partir de 1738, qu’il a consacré son plus grand ouvrage : l’Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris (15 vol. 1754-1758), d’une incomparable richesse de détails.

Entièrement absorbé par ses travaux, l’abbé Lebeuf vécut de la manière la plus modeste et généreuse. Le pape, informé de ses mérites, voulut l’attirer à Rome ; mais sa mauvaise santé l’en empêcha. Bien que disposant d’un revenu tès limité, il fit avant sa mort des legs à divers établissements de sa ville natale.

L’histoire du Donziais est largement éclairée par les Mémoires concernant l’histoire civile et ecclésiastique d’Auxerre et de son ancien diocèse, (par l’abbé Lebeuf, Chanoine et Sous-Chantre de l’église cathédrale de la même ville, de l’Académie des Inscritions et Belles Lettres, Auxerre, 1747), qui est une véritable mine de renseignements, depuis les temps les plus reculés jusqu’au XVIIème siècle. 

Cet ouvrage fut réédité, annoté et augmenté par MM. Challe et Quantin au XIXème (chez Perriquet, Auxerre, 1847, dédicace des éditeurs à M. Chaillou des Barres  – Les Barres, à Sainpuits, voir cette notice Président de la Société des Sciences historiques et naturelles de l’Yonne). Cette édition donne une biographie et une bibliographie très complètes de l’abbé Lebeuf. Elle a été réimprimée en 1978 par les Editions Jeanne Laffitte (4 tomes) (voir Bibliographie).

Dans les deux premiers tomes (édition de 1978), l’ouvrage développe une histoire chronologique très complète des évêques d’Auxerre, des origines (258, Saint Pélerin) jusqu’en 1676, ainsi que des différentes dignités écclésiastiques, des églises et des abbayes de la ville. Il aborde dans le troisième tome l’histoire civile de la Ville et du Comté, avant de fournir dans le quatrième une importante documentation. 

Nombreux sont ceux parmi ces prélats qui prirent des initiatives importantes pour le Donziais, qu’il s’agisse de la création de paroisses ou d’abbayes (voyez par exemple la notice consacrée à Vergers, qui se réfère au grand Saint Germain et à Saint Pallade ; celles consacrées aux prieurés de Cessy-les-Bois. ou de Saint-Verain) ou de sa structuration féodale elle-même par l’évêque Hugues de Chalon (voyez la page consacrée à l’histoire de la baronnie). Lebeuf est donc une référence absolue, fréquemment citée dans nos articles, qui rappelle l’ancrage auxerrois du Donziais.

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Donzy et la Terre Sainte

(Illustration : Versailles, salles des croisades, époque de Louis-Philippe)

Les armoiries de Donzy figurent dans la cinquième Salle des Croisades du château de Versailles, en l’honneur de Geoffroy III, baron de Donzy et comte de Chalon, seigneur de Saint-Aignan et de Chatel-Censoir, qui prit part à cette épopée dès ses débuts. Il fut en effet parmi ceux qui répondirent à l’appel lancé à Clermont par le Pape Urbain II, le 27 novembre 1095, à l’origine de la première croisade (1096-1099).

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Il s’agissait de rétablir l’accès des chrétiens à Jérusalem, que les Turcs, bientôt supplantés par les Fatimides, leur avaient interdit, et de répondre à l’appel de l’empereur byzantin Alexis Comnène.

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Pour accomplir cette mission Geoffroy dut céder sa part du comté de Chalon à son oncle Savaric de Vergy, et mettre ainsi fin à ce lien ancestral avec sa dynastie bourguignonne. 

Fut-il à la prise de Jérusalem en 1099, aux côtés de Godefroy de Bouillon ? Trouva-t-il la mort en Terre Sainte comme certains auteurs l’avancent, où prit-il effectivement l’habit de Cluny à son retour ? Avec quels vassaux du Donziais, chevaliers, écuyers et serviteurs, avait-il accompli cette expédition ? Les textes restent silencieux, mais Geoffroy avait en tout cas devancé son voisin et rival le comte de Nevers, Guillaume II, qui ne put rejoindre l’armée des croisés avec son frère Robert et quinze mille hommes dit-on, qu’en 1100, car il était auparavant mineur.

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Les barons de Toucy, seigneurs de Puisaye, Ythier II et son frère Narjot faisaient partie de cette expédition. Il y trouvèrent la mort en 1100, les premiers d’une longue série : Ythier IV en 1147, Narjot II en 1192 à Acre, Ythier V en 1218 à Damiette, Jean en 1250 à Mansourah.

Pour la deuxième croisade, prêchée par Bernard de Clairvaux en 1146, les textes ne mentionnent pas la présence d’un baron de Donzy, pourtant si proche de Vézelay d’où le Saint avait parlé. Guillaume III de Nevers et son frère Robert, comte de Tonnerre, y figuraient bien quant à eux, ainsi que Pierre de France, sire de Courtenay, dont le fils fut plus tard comte de Nevers.

                                                                 220px-Saint-Bernard_prêchant_la_2e_croisade,_à_Vézelay,_en_1146

Geoffroy de Saint-Verain partit quant à lui en avant-garde de la troisième croisade en 1188 à la demande du comte de Nevers, après avoir octroyé des libéralités aux abbayes auxerroises de Reigny et de Crisenon, ainsi qu’à la Commanderie de Villemoison. Il entamait lui aussi une longue série : autour de Saint-Verain, les noms de Palestine donnés à différents lieux – comme Jérusalem – conservent la mémoire de cet engagement.

Trois des fils du baron de Donzy Hervé III prirent part à cette expédition et à la suivante. Ils y laissèrent la vie : Guillaume de Gien, l’aîné, qui fut baron trois ans avant de trouver la mort à Acre en 1191 ;  Renaud de Montmirail, le cinquième, et Bernard, le dernier, tués tous deux en 1205 après le siège d’Andrinople.

Tout au long du XIIIème siècle enfin, les grands comtes de Nevers, barons de Donzy, s’illustrèrent en Terre Sainte : ainsi Archambaud IX de Bourbon, mort en 1249 à Chypre ; Eudes de Bourgogne, en 1269 à Acre ; ou encore Jean-Tristan de France, premier époux de Yolande de Bourgogne, fils de Saint-Louis, en 1270 à Damiette.

Peu mentionnés par les Chroniques, mais bien présents aux côtés des princes et des rois, les seigneurs de Donzy ont apporté leur contribution à cette vaste entreprise et la présence de l’écu d’azur aux pommes de pins d’or à Versailles, n’est que justice.

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Thury

(Illustration : la plaine céréalière de Forterre près de Thury)

Thury était un fief de la châtellenie de Druyes, mais à la fin du xve siècle, cette terre faisait partie des possessions en Puisaye d’Antoine de Chabannes, baron de Toucy et de Perreuse, seigneur de St Fargeau (voir cette page), de Puisaye et autres lieux.

Cette terre aurait été acquise par Pierre Chaseray, Général des Finances à Bourges au XVème siècle, également acquéreur de la baronnie de Courson (les Carrières), et passa à ses descendants. 

Dans des conditions qui restent à préciser, elle échut au XVIème siècle à une branche de la famille du Deffand et passa ensuite par héritage aux Marquis de Castellane de Lauris, qui la détinrent jusqu’à la Révolution.

Des restes de l’ancien château sont visibles au cœur du village, qui attestent de l’importance et de l’ancienneté de ce fief.

Voyez ci-dessous la notice qui présente la suite des seigneurs de Thury. Elle reste à compléter sur certains points…

Thury   (V7 améliorée du 24 aout 2024)

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Marolles et son Inventaire…

Michel de Marolles (1600-1681) était un ecclésiastique exceptionnellement cultivé et actif : traducteur, historien et collectionneur. 

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Il fut abbé de Villeloin, importante abbaye bénédictine de Touraine, non loin de ses bases familiales, dans la bibliothèque de laquelle il réunit ses collections.

Marolles excellait dans la traduction des auteurs latins et fut un habitué des salons littéraires dont celui de Mme de Scudéry. Il réunit une exceptionnelle collection de plus de 120.000 estampes (dont plusieurs dizaines de Rembrandt, cf. infra), qui fut ensuite rachetée par Colbert pour la Bibliothèque Royale. Cette acquisition fut à l’origine du Cabinet des Estampes.

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Il se consacra aussi à la généalogie des grandes maisons seigneuriales et à l’histoire de la Touraine, avec l’aide de Duchesne, mais ce manuscrit a été perdu.

Par chance pour les historiens et généalogistes nivernais, son destin croisa celui des ducs de Nevers, car son père était le gouverneur du jeune duc de Rethelois, fils de Charles Ier de Gonzague. L'abbé fut donc le bibliothécaire et le précepteur de Marie de Gonzague, future Reine de Pologne, ce qui l’attacha à cette maison ducale dont il fut le commensal pendant plus de vingt ans. Il s’offrit vers 1638 pour dépouiller les titres de l’ancien comté et du duché de Nevers et fut officiellement investi de cette mission, malgré quelques oppositions locales. Il constitua une petite équipe de clercs autour de lui pour y parvenir.

« L’Inventaire des Titres de Nevers » est le résultat de cette tâche gigantesque – portant sur plus de 19.000 titres parfois très anciens – que Marolles réalisa de 1638 à 1641. Le manuscrit est conservé à la Bibliothèque Nationale de France. Il a été publié en 1873 par l’historien et héraldiste nivernais Georges de Soultrait (chez Paulin Fay, à Nevers). Cet ouvrage considérable fournit à tous les chercheurs un outil irremplaçable, malgré quelques imprécisions d’orthographe des lieux ou des noms, dues sans doute aux deux transcriptions successives, des originaux au livre imprimé.

Les tomes I et II de l’Inventaire sont les plus intéressants pour l’histoire du Nivernais – et du Donziais – car on trouve dans le premier l’analyse des actes principaux des comtes puis ducs, et dans le second les aveux et dénombrements des fiefs, source abondante de renseignements incontestables.

L’Inventaire de Marolles a donc alimenté nos recherches, venant ici prouver une implantation ou une filiation, et là préciser ou compléter l’histoire d’un fief ou d’une abbaye. Il constitue une base de données fiables, et, comme tous les amis du Donziais et du Nivernais nous sommes donc extrêmement redevables à cet infatigable Abbé et à son éditeur. Grâce à lui, les anciennes lignées chevaleresques et les vieux châteaux revivent sous nos yeux.

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Une famille fondatrice…La Rivière

(Illustration : armes de La Rivière)

En tête du palmarès des lignées féodales qui ont structuré le Donziais, il faut placer les sires de La Rivière, qui ont brillé par leur dynamisme et leurs talents, en Nivernais et auprès des rois, essaimé dans toute la région, bâti et rénové de nombreux châteaux. Vous pouvez les retrouver dans les notices correspondantes.

Leur « rivière » c’est bien sûr le Nohain, qui prend sa source en amont d’Entrains aux confins des deux départements actuels de la Nièvre et de l’Yonne, et passe à Couloutre, leur paroisse d’origine. Il se jette dans la Loire à Cosne, après avoir enchanté les paysages de son cours vif et sinueux, fourni autrefois la force nécessaire aux industries naissantes et donné au Donziais un axe et une âme.

Leur origine – chevaleresque ou servile comme certains l’ont écrit ? – reste mal identifiée. D’autres ont suggéré qu’ils pouvaient être de la lignée des barons de Donzy. Josserand de La Rivière, fondateur présumé de la motte qui porte son nom, pouvait en effet le tenir d’un ancêtre des barons de Semur-Donzy : Jocerand Bers. Mais rien ne le prouve.

Ils sont restés constamment proches du pouvoir baronnial puis comtal, sans toutefois conclure des alliances matrimoniales au même niveau, ce qui pourrait indiquer une bâtardise dans l’hypothèse de  l’origine commune (?).

Leur destin féodal commence à Couloutre. Le château dit « de la Rivière » qu’ils ont sans doute fondé, plusieurs fois rebâti et transformé au fil des siècles, conserve, entouré de ses douves, une certaine majesté malgré des errances architecturales. Ils ont tenu ce fief des origines au XVIIème siècle, à l’extinction de la lignée masculine.

En aval sur le Nohain : la Motte-Josserand, aux portes de Donzy, serait donc leur création et donne toujours à voir la puissance et la grâce d’une grande forteresse des XIIIè-XIVème siècles. Son prestige et sa position stratégique attirèrent la convoitise de grands seigneurs, favorisée par les troubles de la Guerre de Cent ans.

L’alliance avec l’héritière des seigneurs de Champlemy leur a apporté ce fief prestigieux par son ancienneté, aux confins du Donziais, dans la vallée naissante de la Nièvre « de Champlemy« , mais où ne restent que des ruines.

Une autre alliance avec l’héritière des Le Paulmier, riches seigneurs du Giennois, les a établis aux Granges à Suilly-la-Tour. Mais la munificence du château actuel date de leurs successeurs, puisque les sires de La Rivière avaient cédé ce fief dès le XVème siècle.

Non loin de la Motte-Josserand, une branche s’est implantée à la Garde, acquis en 1461. Un bâtard de La Rivière s’est installé à La Borde en Auxerrois et à Chauminet, arrière-fief en Puisaye donziaise. Jean de La Rivière-Champlemy a contrôlé la Tour de Merry, sous Chatel-Censoir, dans la vallée de l’Yonne, au XVème siècle également, et on pourrait citer bien d’autres exemples.

Françoise de La Rivière, mariée au seigneur de Favray, dont la pierre tombale est l’une des rares qui subsiste, a été dame d’honneur de la Reine Margot. Elle avait repris le flambeau du service personnel des rois dans lequel son illustre aïeul, Bureau de La Rivière, conseiller et ami de Charles V, après son frère aîné Jean, s’était illustré. Il a été inhumé à Saint-Denis.

Fidèles aux barons de Donzy devenus comtes de Nevers, les sires de La Rivière avaient choisi pour lieu de leurs sépultures une des fondations d’Hervé IV et de Mahaut de Courtenay, l’abbaye de l’Epeau, près de Donzy au bord de la Talvanne, où leurs traces ont hélas disparu.

Bref, l’écu « de sable à la bande d’argent » est l’une des emblèmes de ce site, où l’on rencontre des Bureau, Jean, Jacques ou Adrien de La Rivière à presque toutes les pages.

On les imagine chevauchant avec leurs escortes de château en château au long du Nohain, pour fêter les unions, célébrer la gloire des membres éminents de la lignée ou simplement se défendre des attaques. Les barons de Donzy s’étant transportés à Nevers, les sires de La Rivière tinrent la première place en Donziais. 

Voyez ci-dessous notre notice généalogique à visée exhaustive :

Les sires de La Rivière

Nous l’avons publiée en Mai 2024 sur la plate-forme Amazon KDP. Si vous souhaitez en disposer dans un format imprimé en couleur (dos collé, couverture cartonnée), vous pouvez vous la procurer par le lien suivant :

« Les sires de la Rivière »

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