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« Seigneurs de Chatel-Censoir » ?

(Illustration : armes des sires de Mont-Saint-Jean)

Un habitué de ce site féru de généalogie médiévale bourguignonne a relevé l’existence de « seigneurs de Chatel-Censoir » dont nous n’avons pas parlé. Il s’interroge sur leur statut alors que cette cité était le siège d’une châtellenie de la baronnie de Donzy.

Nous avons évoqué Chatel-Censoir dans un court article. C’était une terre patrimoniale des Chalon-Vergy à l’instar de Donzy, dont elle a partagé le destin. La petite cité d’origine gallo-romaine au bord de l’Yonne, dominée par les restes d’une forteresse, était effectivement à la tête d’une châtellenie. L’Inventaire des Titres de Nevers nous en donne l’étendue, relativement modeste ; elle incluait outre Chatel-Censoir : les paroisses de Lucy, Lichères, Crain, et Surgy. Le contrôle de ce château fut disputé aux barons par les comtes de Nevers au XIIème siècle, comme Cosne et Châteauneuf. La rivalité ne cessa que lorsque les deux dynasties s’unirent. Ils y nommaient des châtelains, comme les Wibert, les Ascelin, des seigneurs possessionnés dans la vallée de l’Yonne, ou encore les sires de La Rivière.

Mais il y eut en effet aussi des seigneurs particuliers de Chatel-Censoir. La question posée par notre ami nous donne donc l’occasion d’approfondir ce point en étudiant la dévolution de ce titre et des droits qui y étaient associés.

Nous avons déjà rencontré de tels fiefs distincts de la châtellenie à Druyes ou à Saint-Sauveur, sites de statut comtal, mais de façon plus tardive. Le cas de Chatel-Censoir quant à lui nous fait remonter aux origines.

Le château – castrum censurii – était à l’origine celui de la famille de l’évêque gallo-romain Censure (472-502), dont il fit don à son Eglise avec la contrée qui l’entourait, comme l’avait fait avant lui le grand Saint Germain, dont il était le troisième successeur. L’abbé Lebeuf nous indique qu’il était contemporain de Sidoine Apollinaire et qu’il fut inhumé en 502 dans la crypte de l’abbaye auxerroise. Mais il n’en sait pas plus que ce qu’en dit sa très courte notice dans la Geste des Evêques d’Auxerre, sauf qu’il siégea pendant 38 ans.

Le château fut repris au IXème siècle par les Chalon-Vergy maîtres de la région, dans un contexte d’usurpation violente de biens d’Eglise. Il fut détruit dès le début du XIème siècle lors des guerres d’où sortit l’organisation territoriale définitive entre Auxerre, Donzy et Nevers, ou au XIIème siècle par le comte de Nevers Guillaume III. Les pouvoirs de commandement territorial et de justice qui y étaient associés, restèrent constamment aux mains des barons de Donzy puis des comtes de Nevers, qui les déléguaient à leurs chatelains et baillis.

Les comtes de Chalon détenaient également Entrains, Donzy et Cosne, soit cette longue bande de l’Yonne à la Loire qui constitua la baronnie de Donzy, au sud de la Puisaye et au nord du comté de Nevers. Ces terres furent placées sous la suzeraineté temporelle de l’évêque d’Auxerre après les guerres de l’An Mil, même si Chatel-Censoir, comme Avallon et Vézelay, appartenait sur le plan de l’organisation religieuse au diocèse d’Autun.

A partir de cette structuration historique, des droits féodaux particuliers sur Chatel-Censoir et ses environs, constituant un fief autonome sous la suzeraineté de l’évêque, en furent détachés par un partage ou la constitution d’une dot. Ils passèrent donc par une fille de Geoffroy de Semur, premier baron de Donzy, dans différentes familles bourguignonnes, principalement les comtes de Charny de l’antique maison de Mont-Saint-Jean (XIIIème-XIVème), qui portaient : « de gueules à trois écussons d’or posés 2 et 1 ».

Cette succession s’acheva avec Pierre de Bauffremont, comte de Charny, Maréchal de Bourgogne (1397-1472), chevalier de la Toison d’or, qui échangea ses droits sur Chatel-Censoir avec Jean de Ferrières, dont nous connaissons la famille qui tenait son nom d’un fief de la châtellenie de Druyes : Ferrières. Il était l’aïeul du fameux Jean de Ferrières, Vidâme de Chartres, compagnon d’armes du Prince de Condé réfugié en Angleterre après la défaite de Jarnac.

Divers éléments qui composaient ce fief à l’origine, à Chatel-Censoir même et dans les paroisses alentour, dont la Grange de Lichères et surtout Faulin, dont nous avons étudié l’histoire, en avaient été détachés au fil du temps, rachetés ou repris par le comte de Nevers ou des seigneurs locaux. A la fin du XVème siècle, lors du dernier hommage répertorié à l’évêque d’Auxerre (1484), cette seigneurie était réduite à peu de choses. Elle n’a plus laissé de trace ensuite, sans doute parce-que ses différentes composantes ont été dispersées.

Nous avons tenté dans la notice ci-dessous de reconstituer la dévolution du fief de Chatel-Censoir, grâce à l’apport décisif des « Recherches sur l’Histoire de Chatel-Censoir » proposées par le « Bulletin de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne » (1880).

Nous sommes évidemment preneurs d’informations complémentaires qui permettraient de mieux comprendre ce cas particulier et de repérer la dévolution de ce fief à partir de la fin du XVème siècle.

Seigneurie de Chatel-Censoir (V1 du 7 avril 2023)

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